(cette rubrique est vouée à être augmentée au fil du temps et des travaux du collectif. Dernière mise à jour : 10/12/2024)
– L’ENTREPRISE STMICROELECTRONICS
1. Qu’est-ce que STMicroelectronics ?
2. Pourquoi cette entreprise est-elle implantée à Crolles ? Quelle est son histoire ?
3. Où la multinationale paye-t-elle ses impôts ?
4. Quelles sont les conditions de travail et d’exercice du travail dans cette entreprise ?
– L’ENTREPRISE SOITEC
1. Qu’est-ce que Soitec ?
2. Pourquoi cette entreprise est-elle implantée à Bernin ? Quelle est son histoire ?
– LES PUCES PRODUITES
1. Quels types de puces STMicroelectronics fabrique-t-elle ?
2. Quels sont les principaux clients de STMicroelectronics ?
3. Dans quels produits et dans quels domaines trouve-t-on les puces de ST ?
4. Quels types de puces Soitec fabrique-t-elle ?
5. Quels sont les principaux marchés de Soitec ?
6. Les deux entreprises travaillent-elles ensemble ?
7. ST et Soitec participent-elles à la « transition écologique » ?
– LA CONSOMMATION D’EAU
1. Quelle est la consommation actuelle d’eau de l’usine STMicroelectronics de Crolles ?
2. D’où vient cette eau ? S’agit-il d’eau potable ?
3. La consommation d’eau de l’usine doit-t-elle augmenter dans les années qui viennent, et dans quelles proportions ? L’industriel a-t-il changé ses plans suite à la lutte de STopMicro ?
4. Quel est le planning de l’évolution de la consommation ?
5. Le « recyclage » de l’eau annoncé par l’industriel peut-il couvrir la hausse de la production ?
6. Soitec a-t-elle aussi fait des annonces de réutilisation de l’eau ?
7. Mais alors, si les industriels prévoient de ne pas consommer plus d’eau, pourquoi les conduites publiques d’eau ont-elles été agrandies en 2022 ?
8. Quels sont les risques associés à l’augmentation de la consommation d’eau des usines ?
9. Quelles sont les conséquences de la sur-consommation d’eau par les industriels de l’électronique à Taïwan ?
– LA POLLUTION DE L’EAU
1. L’eau rejetée par les industriels est-elle… « propre » ?
2. STMicroelectronics dispose-t-elle de dérogations particulières ?
3. L’entreprise pollue-t-elle l’Isère ?
4. Que prévoit-elle pour la suite ?
5. Que deviennent les boues de la station d’épuration ?
– L’INDUSTRIE DE L’ARMEMENT ET LE « MODELE GRENOBLOIS »
1. Qu’est-ce que le CEA-Leti ? Quels sont ses liens avec ST et Soitec ?
2. Le Leti et Minatec ont-il des liens avec l’armée ?
3. Qu’est-ce qu’une innovation « duale » ?
4. Quels liens entretient Soitec avec l’industrie de l’armement ?
5. Et concernant ST ? Travaille-t-elle pour la défense?
6. Mais alors, c’est quoi, le « modèle grenoblois » ?
7. Les entreprises iséroises fabriquent-elles des composants électroniques de pointe ?
8. Cela veut-il dire que l’Europe est à la traîne de l’Asie du Sud-Est ?
– LE MENSONGE DE LA « RELOCALISATION »
1. On parle de relocalisation. Mais les puces sont-elles produites dans le Grésivaudan ?
2. D’où viennent les matériaux utilisés pour la fabrication des puces ?
3. Combien ST et Soitec ont-elles de sous-traitants ?
4. Ces entreprises ne sont donc qu’un maillon d’une vaste chaîne mondiale ?
5. Mais une « vraie » relocalisation serait donc nécessaire, non ?
– LES AGRANDISSEMENTS DE STMICROELECTRONICS ET DE SOITEC
1. Les travaux d’agrandissement de STMicroelectronics ont-ils commencé ?
2. Quand finiront-ils ?
3. A combien s’élèvent les subventions publiques pour l’agrandissement de STMicroelectronics ?
4. Cette usine est-elle vouée à remplacer une usine en Asie du Sud-Est ? Ne vaut-il pas mieux produire ici nos puces plutôt que les sous-traiter à l’autre bout du monde ?
5. L’agrandissement permet-il d’améliorer la « souveraineté nationale » ?
6. Et les emplois dans tout ça ?
7. Quelle est la position d’EELV sur l’agrandissement de l’usine ?
8. Comment la CGT STMicroelectronics Crolles se positionne-t-elle sur la question de la consommation d’eau de son usine ?
9. Et Soitec ? va-t-elle aussi s’agrandir ?
10. Quel est le rôle de la Communauté de communes et d’Isère aménagement ?
11. Ah bon? Le projet d’agrandissement est donc suspendu ?
12. Mais pourquoi l’entreprise a-t-elle annoncé la suspension de son projet d’agrandissement ?
13. Le projet d’extension est donc abandonné?
– L’ENQUÊTE PUBLIQUE ET LA CONCERTATION SUR L’EXTENSION DE STMICROELECTRONICS
1. Quel est le déroulement du processus d’enquête(s) publiques(s) et de concertation sur l’extension se STMicroelectronics ?
2. Comment s’est passée la première enquête publique ?
3. Quelle est la position de STopMicro sur l’enquête publique ?
4. Quelles ont été les prises de position des élu-es EELV durant l’enquête publique ?
5. Quels ont été les avis des conseils municipaux des communes concernées par l’enquête publique ?
6. Quelles associations ont émis des avis défavorables ?
7. Comment s’est déroulée la concertation ?
8. Quelle a été la position de STopMicro sur cette concertation ?
9. Donc maintenant il y a à nouveau une enquête publique?
– L’ENQUÊTE PUBLIQUE ET LA CONCERTATION SUR L’EXTENSION DE SOITEC
1. De quand date le dernier agrandissement de Soitec ?
2. Soitec va-t-elle encore s’agrandir ?
3. Quel est le rôle de la Communauté de communes et d’Isère aménagement ?
4. Ah bon? Le projet d’agrandissement est donc suspendu ?
5. Mais pourquoi l’entreprise a-t-elle annoncé la suspension de son projet d’agrandissement ?
6. Le projet d’extension est donc abandonné?
– LE COLLECTIF
1. Depuis quand le collectif STopMicro existe-t-il ? Quelles sont ses actions ?
2. Quelles sont les revendications du collectif ?
3. La lutte a-t-elle porté des fruits ?
4. Est-il possible de rejoindre le collectif ?
5. Et si je ne veux pas m’engager, mais que je suis intéressé-e pour être tenu-e informé-e de vos actions ?
L’ENTREPRISE STMICROELECTRONICS
1. Qu’est-ce que STMicroelectronics ?
STMicroelectronics est une entreprise franco-italienne qui fabrique des semi-conducteurs, des puces électroniques. Son slogan est « life.augmented ». Le siège social de l’entreprise est basé en Suisse. STMicroelectronics est une multinationale franco-italienne qui fabrique des semi-conducteurs, des puces électroniques. Entreprise du CAC40, STMicroelectronics a réalisé 1,77 milliards de profit sur l’année 2021. La multinationale est dirigée par Jean-Marc Chéry dont la rente annuelle (salaire fixe, bonus et titres compris) s’élevait la même année à 6.309.606 euros, une somme qui le place au 28ème rang des PDG du CAC 40 (source). L’entreprise possède des usines et des centres de recherche & développement dans plusieurs pays (France, Italie, Maroc, Chine, Malaisie, Philippines, etc.) (source). Parmi ses 14 usines, la plus ancienne et la plus importante est celle de Crolles, située à quelques kilomètres de Grenoble.
Son slogan est « life.augmented ».
2. Pourquoi cette entreprise est-elle implantée à Crolles ? Quelle est son histoire ?
En 1972, le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) de Grenoble créé l’entreprise Efcis pour conceptualiser et fabriquer des puces électroniques à partir des recherches menées au CEA. L’organisme public transfère à Efcis 90 ingénieurs et scientifiques. C’est une habitude des centres de recherche publics que de créer des start-up pour « valoriser » les recherches publiques : on appelle cela « la liaison recherche-industrie » (Sur ce sujet, lire le livre du Groupe Grothendieck, L’Université désintégrée. La recherche grenobloise au service du complexe militaro-industriel, Le monde à l’envers, 2020).
Rapidement, le géant de l’équipement militaire Thomson prend des parts dans l’entreprise Efcis, puis l’absorbe en 1982. En 1987, la branche électronique de Thomson fusionne avec l’italien SGS, pour donner SGS-Thomson, puis STMicroelectronics en 1998. C’est aujourd’hui le premier employeur de la région, avec près de 6 000 personnes. La multinationale travaille pour Apple, Bosch, Continental, HP, Huawei, Mobileye, Samsung, SpaceX, Tesla, Vitesco… et ne rechigne pas à équiper les drones de l’armée russe. L’entreprise fait des profits conséquents, mais « paye » ses impôts aux Pays-Bas. L’an dernier, Emmanuel Macron a annoncé le versement de 2,9 milliards d’argent public pour agrandir l’usine de Crolles d’ici 2026 au nom de la « souveraineté industrielle » européenne. Agrandir, alors que ST consomme déjà à Crolles156 litres d’eau par seconde (387 après l’agrandissement) et autant d’électricité qu’une ville de 230 000 personnes.
3. Où la multinationale paye-t-elle ses impôts ?
Entreprise « franco-italienne », STMicroelectronics a son siège opérationnel en Suisse. Cependant elle paye ses impôts aux Pays-Bas (4ème paradis fiscal au monde) (source : « Les magouilles fiscales de STMicro », Le Postillon n°69, été 2023).
4. Quelles sont les conditions de travail et d’exercice du travail dans cette entreprise ?
Pas très reluisantes ! Les syndicalistes y sont entravés dans l’exercice de leur mission. ST a déjà été condamnée à plusieurs reprises pour discrimination syndicale. Une situation parallèle existe chez sa voisine Soitec.(source).
L’ENTREPRISE SOITEC
1. Qu’est-ce que Soitec ?
Soitec est une entreprise française dont le site principal est situé à Bernin en Isère. C’est une entreprise spécialisée dans la technologie silicium sur isolant (SOI), des puces spéciales qui ne sont pas gravées sur des plaques de silicium « massives », mais sur des plaques « isolées », c’est à dire qu’un isolant est intercalé entre les tranches de silicium qui constituent le wafer. Soitec est leader dans son domaine, avec 80 % du marché mondial du SOI (source).Son PDG est Pierre Barnabé.
2. Pourquoi cette entreprise est-elle implantée à Bernin ? Quelle est son histoire ?
Soitec est fondée en 1992 par deux chercheurs (André-Jacques Auberton-Hervé et Jean-Michel Lamure) issus du CEA-Leti du Commissariat à l’Énergie Atomique pour industrialiser la technologie SOI développée par le CEA-Leti pour les besoins de la dissuasion nucléaire. En 1997, ils développent la technologie Smart Cut pour produire à l’échelle industrielle des plaques de SOI, puis font construire en 1999 leur première unité de production à Bernin. (source).
Nous avons consacré un article entier à l’histoire de l’entreprise.
LES PUCES PRODUITES
1. Quels types de puces STMicroelectronics fabrique-t-elle ?
Les puces gravées à Crolles ne sont pas ce qu’on appelle des « semi-conducteurs avancés » (à la gravure inférieure à 7nm) : ceux-ci sont produits à Taïwan. L’entreprise, suivant la stratégie du CEA-Leti dont elle est issue, est spécialisée sur des puces de 90 à 18nm : des puces relativement grossières.
2. Quels sont les principaux clients de STMicroelectronics ?
Dans son rapport d’activité annuel 2023, ST désigne ainsi ses clients principaux : Apple, Bosch, Continental, HP, Huawei, Mobileye, Samsung, SpaceX, Tesla and Vitesco (source). Mais il y en 200 000 autres ! Lesquels ? Sur ce sujet, l’entreprise n’est pas très loquace… Mais on sait qu’Apple est l’un des clients principaux du site de Crolles (surtout sur la partie 200nm).
3. Dans quels produits et dans quels domaines trouve-t-on les puces de ST ?
ST fabrique des puces pour les stations terrestres des satellites Starlink d’Elon Musk, ainsi que pour la console de jeu Switch (source : Le Postillon n°70, automne 2023). Par ailleurs, l’entreprise développe des activités en direction de l’industrialisation de l’agriculture, le « smart farming » (source). Voir par exemple cette vidéo éloquente d’un client de ST.
Quelques autres exemples d’applications : une « bouteille d’eau connectée », une « tondeuse à gazon automatique », une « montre connectée solaire », un « stylo digital » Wacom… ST fabrique des contrôleurs pour SUV (pour les vitres électriques, les rétroviseurs électriques, l’air conditionné, le systême de freinage, le verrouillage centralisé…), des semi-conducteurs pour les batteries (vélo-électriques, smartphones…). Et nombre de smartphones (comme le Google Pixel 7) ont recours à ST pour les capteurs d’images de leurs appareils photo.
ST communique sur le fait que ses puces sont utilisées dans les domaines suivants: 5G, IA, internet des objets, automatisation… (source). On estime que les productions ST de Crolles se répartissent ainsi : 40 % pour l’automobile, 30 % pour la reconnaissance faciale (téléphone) et 30 % dans les objets (capteurs, contrôleurs). On trouve également des puces ST dans du matériel militaire : drones de reconnaissance, drones kamikazes, missiles (source). De source officielle, « les composants électroniques [de STMicroelectronics et Soitec] servent pour la dissuasion [nucléaire] » (source : le directeur des applications militaires au CEA (CEA-DAM) François Geleznikoff).
Nous avons développé ce sujet de l’usage des puces dans un document dédie.
4. Quels types de puces Soitec fabrique-t-elle ?
Soitec est spécialisée en « silicium sur isolant » : des puces spéciales, qui ne sont pas gravées sur des plaques de silicium « massives », mais sur des plaques « isolées » (c’est à dire qu’un isolant est intercalé entre les tranches de silicium qui constituent le wafer). Le coût de cette technologie est plus élevé mais ses performances sont meilleures. Soitec travaille donc sur un marché spécifique, dont elle détient 80 % du marché mondial. Il s’agit d’une entreprise beaucoup plus petite que ST, mais très stratégique.
5. Quels sont les principaux marchés de Soitec ?
En 2023, son activité repose sur trois divisions : communication mobile (64 % du chiffre d’affaires), automobile & industrie (19 %), objets intelligents (17 %) (source). L’entreprise travaille sur l’internet des objets, la reconnaissance vocale, la maison intelligente, le GPS intelligent, la smart city (source). Ainsi, les matériaux SOI « sont utilisés pour la fabrication des puces qui équipent les smartphones, les tablettes, les ordinateurs, les serveurs informatiques ou les centres de données. On les retrouve aussi dans les composants électroniques présents dans les automobiles, les objets connectés (internet des objets), les équipements industriels et médicaux ». (source) Pour en savoir plus, lire notre enquête.
6. Les deux entreprises travaillent-elles ensemble ?
Oui. Par exemple, en décembre 2022, les deux entreprises ont annoncé « leur coopération dans la technologie de fabrication de substrats [plaques] en carbure de silicium » (source). Concrètement, cela signifie que ST s’occupera de l’industrialisation des puces conçues par Soitec.
Les deux entreprises sont très liées. Elles sont toutes deux issues du CEA, et entretiennent des partenariats, collaborent sur plusieurs technologies (FD-SOI en tête). Ce n’est pas un « hasard du calendrier » si les deux entreprises ont toutes deux des projets d’extension.
7. ST et Soitec participent-elles à la « transition écologique » ?
Oui… si l’on en croit leur communication ! STMicroelectronics met en avant la nécessité de la production de composants électroniques afin de participer aux plans nationaux et européens de transition énergétique, s’appuyant notamment sur le respect de l’Accord de Paris sur le climat de 2015 issus de la COP21 : « les puces électroniques (ou semiconducteurs), invisibles et pourtant présentes partout, apportent une contribution positive à notre quotidien. Elles répondent aux enjeux sociétaux de la digitalisation et de la transition énergétique, notamment la décarbonation. Pour toutes ces raisons, la demande mondiale de semi-conducteurs est en forte croissance. » (source : note non-technique (page 8) du dossier d’enquête publique de 2023 sur l’agrandissement du site de Crolles.) La transition numérique permettrait donc la transition énergétique et écologique. Cet argument est pourtant depuis longtemps connu comme fallacieux (article). Un consensus scientifique se dégage au contraire aujourd’hui qui démontre que les outils numériques, et plus particulièrement leur expansion effrénée sont précisément l’outil catalytique de la catastrophe climatique et de l’anéantissement biologique global.
Nous abordons ce sujet dans un document dédié.
LA CONSOMMATION D’EAU
1. Quelle est la consommation actuelle d’eau de l’usine STMicroelectronics de Crolles ?
Le total d’eau potable consommée par ST était en 2021 de 3 500 m³ par jour (source : Déclaration Environnementale 2021 – Site de Crolles de STMicroelectronics). Pour Soitec, le volume s’élevait à 2 500 m³ par jour (source). Au moment où nous avons entamé notre lutte, ST consommait donc 156 litres d’eau potable par seconde, et sa voisine Soitec 29 litres.
2. D’où vient cette eau ? S’agit-il d’eau potable ?
A ce jour, la totalité de l’eau consommée par les deux usines vient du réseau d’eau public. Il s’agit donc d’eau potable, acheminée principalement depuis le champ captant dit « Romanche » à Vizille, jusqu’à Crolles par la Société Publique Locale Eaux de Grenoble Alpes.
A terme, ST annonçait en 2022 trois forages dans la nappe phréatique située sous le site de ST devaient permettre le refroidissement des salles blanches (actuellement réalisé avec de l’eau potable !). En 2024, l’industriel a annoncé l’abandon de ces trois forages, qui seront remplacés par deux autres forages destinés, eux, à « sécuriser » l’approvisionnement (source).
3. La consommation d’eau de l’usine doit-elle augmenter dans les années qui viennent, et dans quelles proportions ? L’industriel a-t-il changé ses plans suite à la lutte de STopMicro ?
Les chiffres communiqués par ST en 2022 auprès de la MRAE et auprès de la Préfecture affirmaient qu’après l’agrandissement, le site consommerait environ 33 500 m3 par jour. Une partie de cette eau proviendrait de forages pratiqués sous l’usine (12 000 m3/jour d’eau non potable, à destination des systèmes de refroidissement), mais il est néanmoins prévu un accroissement de la demande en eau potable pour atteindre 21 500 m3/j (source). Soit 190% de plus qu’en 2021 et 59 % de plus qu’aujourd’hui.
Depuis, en 2024, l’industriel a changé son fusil d’épaule. Dans le dossier de la seconde enquête publique, ST affirme désormais qu’à terme l’usine va diminuer sa consommation, pour atteindre 9744 m3/h (12624 en été) avec l’ouverture de la Gateway 9 et la mise en place d’un procédé de recyclage appelé « Reclaim »… (source). Précisons que cette annonce est une « nouveauté 2024 » et ne correspond pas du tout aux annonces initiales. Le changement de prévisions aurait-il un rapport avec la lutte menée par STopMicro ? Nour revenons sur ce sujet plus bas, au point 7.
4. Quel est le planning de l’évolution de la consommation ?
Les annonces d’agrandissement de STMicroelectronics concernent une mise en service progressive des infrastructures (composées de mini-usines, des « gateways », achevées les unes après les autres) dès début 2024 (Le Dauphiné Libéré, 26/08/2023). La mise en service totale, donc la consommation maximum, devrait être atteinte, en 2025 (source), 2026 (source) ou 2028 (source).
A l’heure actuelle, l’industriel refuse désormais de « prendre un engagement ferme sur des dates de construction, puis d’exploitation de chaque extension », « au regard de la cyclicité du marché mondial des semi-conducteurs ».
Le planning annoncé par ST en 2024 affirme que la consommation d’eau va augmenter jusqu’à la mise en service de la Gateway 6, puis baisser jusqu’à l’ouverture de la Gateway 9 (-24 % par rapport à aujourd’hui, source).
5. Le « recyclage » de l’eau annoncé par l’industriel peut-il couvrir la hausse de la production ?
Notons déjà que l’annonce de cette STEL3 et de Reclaim dans le projet de ST est uniquement le fruit de la mobilisation qui a lieu depuis deux ans contre l’extension de cette usine.
Cependant, notons surtout au sujet du procédé Reclaim son caractère hautement hypothétique et les nombreuses part d’ombres du projet. Ainsi, il est troublant de lire que le procédé Reclaim sera à l’arrêt (pour maintenance ou en cas de défaillance) environ 10 semaines par an, soit 20 % du temps. On peut s’interroger sur la crédibilité d’une solution technique qui ne fonctionnerait pas tout le temps, alors que la production est continue. Mais, plus encore, que faire pendant ces 10 semaines alors qu’ST a promis de ne plus pomper l’eau potable de la ville ?
Quand au principe même de ce recyclage d’eau, nous avouons un certain scepticisme. Dans ce domaine, il est assez facile d’abuser son monde… L’eau potable est d’abord rendue ultrapure avant de passer en salle blanche. En sortie de salle blanche, une partie de cette eau (désormais faiblement à fortement polluée) peut être utilisée par exemple pour aller refroidir l’air des salles blanches (au travers d’échangeurs thermiques air/eau). Mais s’il s’agit de s’en resservir pour le nettoyage des puces, c’est une autre histoire… Nettoyer de l’eau ultrapure qui a été polluée par les procédés de salle blanche pour la rendre ultrapure à nouveau consomme énormément d’énergie. Techniquement, il reste possible d’effectuer ce traitement et donc d’améliorer le taux de recyclage utile, mais le coût énergétique et donc le coût financier seront alors nettement augmentés. Sans parler de l’empreinte carbone !
Au final, cette stabilité de la consommation d’eau malgré la hausse de la production ne pourra être effective que si l’opposition maintient une forte pression sur l’industriel ; en outre il y aura nécessairement un certain nombre d’impacts négatifs cachés (consommation électrique notamment). Il nous semble donc que la solution la plus rationnelle n’est pas de retraiter plus d’eau : c’est simplement de produire moins de puces.
6. Soitec a-t-elle aussi fait des annonces sur la réutilisation de l’eau ?
Oui, c’était même avant ST. En janvier 2024, Soitec a annoncé que son taux de réutilisation de l’eau allait passer de 19 % à 35 %. L’eau dont il est question est celle utilisée lors du rinçage à l’eau des plaques de silicium : avant et après la gravure des semi-conducteurs. Ce que Soitec appelle réutilisation (ou REUSE) c’est le retraitement de l’eau utilisée dans le premier bain et sa réinjection dans ce même processus de gravure. Jusqu’à présent, la seule eau réutilisée (les 19 %) était celle utilisée dans les systèmes de refroidissement des salles blanches.
Si cette nouvelle technique doit permettre à Soitec de ne pas consommer plus d’eau malgré l’ouverture de son usine de Bernin 4 (en 2023), rappelons deux choses :
– l’entreprise consomme déjà un volume d’eau très important
– Soitec veut s’agrandir encore de 50 % dans les prochaines années et va donc devoir dans tous les cas… augmenter sa consommation totale d’eau en valeur absolue. (Sur le sujet, lire aussi notre texte « Plus de réutilisation = plus d’eau consommée! »)
7. Mais alors, si les industriels prévoient de ne pas consommer plus d’eau, pourquoi les conduites publiques d’eau ont-elles été agrandies en 2022 ?
Les conduites d’eau qui alimentent le Grésivaudan ont en effet été l’objet de travaux en 2022 : l’installation de surpresseurs a permis de porter leurs capacités à 29 000 m³ par jour ( Raùl Guillen et Vincent Peyret, « Ces puces qui s’emparent de « l’or bleu » des Alpes », Le Monde diplomatique, juin 2023). La raison, c’est qu’à l’époque, STMicroelectronics prévoyait d’augmenter sa consommation jusqu’à 33 600 m3/j, dont 21 500 issus du réseau d’eau potable (voir point 3).
Depuis, avec les nouvelles annonces de STMicroelectronics concernant la « baisse » de consommation, les élus ont un peu de mal à expliquer pourquoi on augmente les capacités de livraison si c’est pour baisser la consommation…
La raison, d’une part que ST a changé ses plans depuis 2021, mais aussi qu’en l’état actuel du projet ST envisage un troisième scénario. Celui ni Reclaim ni les forages ne fonctionnent (par exemple suite à une canicule). Dans ce scénario, qualifié de « théorique » et « fourni à titre indicatif », la consommation d’eau serait totalement prise depuis le réseau d’eau potable et l’extraction d’eau potable atteindrait alors 22 500 m³ par jour. On voit que les grosses conduites d’eau potable et les surpresseurs ne vont pas servir à rien…
8. Les conduites publiques d’eau ont-elles la capacité de transporter toute l’eau nécessaire aux industriels, ou faudra-t-il les agrandir ?
Les conduites d’eau qui alimentent le Grésivaudan ont une capacité limitée à 29 000 m3/j depuis qu’elle a été augmentée en 2022, par l’installation de surpresseurs (cf Raùl Guillen et Vincent Peyret, « Ces puces qui s’emparent de « l’or bleu » des Alpes », Le Monde diplomatique, juin 2023).
STMicroelectronics prévoit de consommer 33 600 m3/j, dont 21 500 issus du réseau d’eau potable (voir point 3). Quand on y ajoute la consommation de Soitec, des autres industries et du Grésivaudan en général (voir point 1), on peut estimer que cette consommation globale restera sous le seuil des 29 000 m3/j. A priori, il n’y aura donc pas d’autres travaux sur le réseau d’eau potable pour permettre aux industriels d’accroître leurs capacités de production.
9.Quels sont les risques associés à l’augmentation de la consommation d’eau des usines ?
Aujourd’hui, on peut avoir l’impression qu’il y a de la marge sur les quantités prélevées. En effet, au regard des arrêtés préfectoraux, on devrait pouvoir prélever environ 2 fois plus d’eau potable qu’aujourd’hui : le champ captant « Romanche » est bien fourni. Le problème ne serait alors qu’un problème technique : les capacités de pompage ne seraient simplement pas adaptées.
Sauf que ces volumes autorisés ont été définis en 1967 ! La Mission Régionale d’Autorité Environnementale est d’ailleurs très claire à ce sujet dans son rapport d’évaluation de la demande d’extension de l’usine ST à Crolles : « l’Autorité environnementale recommande de préciser l’état quantitatif de la ressource en eau utilisée pour le réseau d’eau potable et l’alimentation du site en eau au regard des évolutions climatiques prévisibles ».
De même, les effets cumulés d’accroissement de la demande en eau potable des sites de ST et de Soitec n’ont pas été évalués (les deux usines sont immédiatement voisines, mais les deux dossiers sont toujours traités de façon séparée). Pas plus que l’impact des prélèvements sur la nappe phréatique de l’Isère. Ainsi, dans le même avis de la MRAE, on peut lire : « Le dossier ne fait pas d’analyse de la vulnérabilité de la ressource en eau, que ce soit la nappe d’accompagnement de l’Isère ou celle alluviale de la Romanche, ni des éventuelles pressions sur ces ressources en eau. »
En outre, la sécheresse n’affecte pas tous les territoires de la même manière et certaines zones environnantes pourraient également avoir besoin de l’eau du champ captant Romanche. C’est le cas par exemple pour le pays voironnais qui a demandé à être raccordé à l’eau de la métropole grenobloise. En somme, si à l’heure actuelle il y a suffisamment d’eau dans le champ captant Romanche, rien ne peut nous laisser présager des besoins des autres territoires dans les années à venir. Que ces besoins soient dus à la sécheresse ou à la pollution des nappes phréatiques (comme c’est le cas pour la nappe en dessous de Grenoble totalement contaminée par les industries de la chimie)
10. Quelles sont les conséquences de la sur-consommation d’eau par les industriels de l’électronique à Taïwan ?
Taïwan concentre une part très importante de la fabrication mondiale de semi-conducteurs. Il est donc utile d’aller y prendre quelques leçons. Le fabricant TSMC (15 % du PIB du pays) consomme 1 700 litres par secondes (Siècle Digital, 31 mars 2023). En 2021, on a coupé l’accès à l’eau courante d’un million de personnes deux jours par semaine et 74 000 hectares de terres agricoles n’ont pas été irrigués au profit des semi-conducteurs. Cette même année, les usines de composants électroniques étaient approvisionnées en eau par des camions-citernes (8 000 camions par jour pour TSMC) (20 Minutes, 31 mars 2021 et source). Un exemple qui nous montre qu’à notre époque il est impossible de concilier tous les usages de l’eau. Il faut choisir. Voulons-nous voir l’Isère prendre la même direction que Taïwan ? Voulons-nous voir des camions d’eau potable sillonner la Rocade Sud et l’autoroute de Chambéry pour approvisionner ST ? Voulons-nous bétonner toutes les terres agricoles du « plus beau jardin de France » ? La priorité doit-elle être le développement économique à tout prix alors même que l’impact sur les ressources est dramatique ?
LA POLLUTION DE L’EAU
1. L’eau rejetée par les industriels est-elle… « propre » ?
Les industriels rejettent dans l’Isère une grande quantité de l’eau qu’ils prélèvent (environ 85 % dans le cas de ST). Le reste disparaissant par évaporation ou par fuites.
Mais l’eau rejetée n’est plus dans le même état qu’elle l’était en entrant (d’autant que la majeure partie de l’eau consommée est issu du réseau potable). En effet, elle s’est chargée des différents métaux et d’éléments chimiques utilisés pour la gravure des puces (ammoniac, chlore, hexafluorure, azote, phosphore, PFAS, etc.).
Les eaux salies par la gravure sont traitées par la station d’épuration (STEL) de ST avant d’être rejetées dans l’Isère. Malgré tout, l’eau rejetée n’est plus potable ; elle est dite « de qualité rivière ».
2. STMicroelectronics dispose-t-elle de dérogations particulières ?
STMicro dispose d’un arrêté préfectoral l’autorisant à des concentrations en métaux plus élevées que les valeurs réglementaires.
Cette dérogation est préoccupante en particulier sur trois éléments chimiques : l’azote, le phosphore et le cuivre. L’entreprise est autorisée à rejeter dans les quantités quotidiennes suivantes : 75 kg de phosphore, 300 kg d’azote ammoniacal, 150 kg de fluorures, 1,5 kg de cuivre, 4 kg d’aluminium, 75 kg d’hydrocarbures et 750 kg d’azote (source).
3. L’entreprise pollue-t-elle l’Isère ?
Oui : les rejets d’azote et de phosphore dans les milieux aquatiques de surface entraînent l’eutrophisation des milieux aquatiques. La forte disponibilité de ces nutriments entraîne une croissance excessive des plantes et des algues qui absorbent donc de grandes quantités de dioxygène, provoquant l’asphyxie des écosystèmes aquatiques. C’est le phénomène dit « des algues vertes ». La basse Isère est classée comme zone sensible à l’eutrophisation en 2017 (Agence de l’Eau RMC) et la directive 91/271/CEE du 21 mai 1991 impose un traitement plus poussé dans ces zones.
Quant au cuivre, il fait partie de la famille des micropolluants, persistant dans l’environnement, toxique à faible et forte concentrations et de ce fait responsable de dégradations majeures des milieux aquatiques.
Nous nous sommes livrés à une analyse détaillée de ce point ici.
En outre, l’entreprise rejette des polluants éternels dans l’Isère : c’est même le troisième émetteur isérois de PFAS, ces substances toxiques qui provoquent cancers, infertilité, dérèglements hormonaux et baisse de l’immunité ! Loin du mythe de la « dématérialisation », l’industrie de la microélectronique est porteuse de cancers et de pollution.
Nous avons détaillé ce sujet ici.
4. Que prévoit-elle pour la suite ?
Dans le cadre de son agrandissement, ST construit une deuxième station de traitement des eaux (STEL2). Et, en 2024, elle a même annoncé la construction d’une STEL3 (source). Elle demande aux services de la préfecture de bénéficier d’autorisation de rejets de polluants très importants. Par exemple, pour le cuivre, ST demande de rejeter à 0,15 mg/l là où l’IED impose une marge comprise entre 0,005 à 0,05 mg/l, soit une demande d’autorisation trois fois supérieure au seuil maximal en vigueur. De même pour l’azote, ST demande 40 mg/l là où la législation européenne limite à 25 mg/l.
Amusant : les concentrations mesurées entre 2020 et 2023 ne diminuent pas, contrairement à l’engagement pris par ST en 2016 de réduire progressivement les concentrations de ses rejets et d’en assurer le suivi annuel. On peut aisément présager que ces concentrations continueront d’augmenter.
Concernant spécifiquement les PFAS, la pollution de l’entreprise semble structurelle : de l’aveu même du lobby mondial de l’industrie des semi-conducteurs dont ST fait partie « les PFAS occupent un créneau technique tout à fait unique (et actuellement essentiel), et leur utilisation est omniprésente dans la production de semiconducteurs (…). À l’heure actuelle, les puces semi-conductrices et les dispositifs associés ne peuvent pas être produits sans que les PFAS soient disponibles à plusieurs points de la chaîne d’approvisionnement et pour de multiples cas d’utilisation dans la chaîne d’approvisionnement. (source.
5. Que deviennent les boues de la station d’épuration ?
ST affirme que les filières de traitement ou valorisation des déchets générés par les STEL 1 et 2 sont les suivantes :
– Les boues issues des traitements physico-chimiques sont envoyées en cimenterie où elles font l’objet d’une revalorisation matière en étant intégrées dans la fabrication du ciment puisqu’elles contiennent certains éléments (fluor et calcium notamment) qui permettent de réduire l’extraction de matières premières (roches) pour la fabrication du ciment.
– Les boues issues des traitements biologiques font l’objet d’une revalorisation énergétique dans des unités d’incinération avec récupération d’énergie ;
– Le sulfate d’ammonium issu du traitement de l’ammoniac est réutilisé dans des filières de compostage
L’INDUSTRIE DE L’ARMEMENT ET LE « MODELE GRENOBLOIS »
1. Qu’est-ce que le CEA-Leti ? Quels sont ses liens avec ST et Soitec ?
STMicroelectronics comme Soitec sont des entreprises issues de start-ups du CEA-Leti (en 1972 pour l’une et 1994 pour l’autre). Le Laboratoire d’Électronique et de Technologies de l’Information du Commissariat à l’Energie Atomique de Grenoble (CEA-Leti), fondé en 1967, le CEA-Leti est l’un des principaux centres de recherche appliquée en microélectronique et nanotechnologies dans le monde (source). Son ancien directeur, Jean Therme, ensuite devenu directeur du CEA Grenoble, a été dans les années 2000 une personnalité influente de Grenoble. Il a été à l’initiative de Minatec, le « premier pôle européen de recherche en micro et nanotechnologies », à l’époque fortement contesté par un regroupement d’opposants (source). Les choix impulsés par Jean Therme vers les nanotechnologies sont structurants et expliquent ce qui se fabrique aujourd’hui encore dans les usines du Grésivaudan.
Nous avons parlé de ce sujet ici.
2. Le Leti et Minatec ont-t-il des liens avec l’armée ?
Oui, et ces liens sont anciens et profonds. La Direction des applications militaires (CEA-DAM) est très influente au sein du CEA (source). L’actuel directeur du CEA- Grenoble (l’un des successeurs de Jean Therme), Bruno Feignier, a rejoint la DAM en 1993, puis occupé plusieurs postes à responsabilité au sein de celle-ci à partir de 1997 (source).
Concernant spécifiquement le Leti et Minatec, « en octobre 2002 la Délégation générale pour l’armement (DGA) [l’organisme du ministère de la Défense qui a pour mission de préparer l’avenir des systèmes de défense français, d’équiper les forces armées françaises et de promouvoir les exportations de l’industrie française de défense] et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) signaient une « déclaration d’intention pour une coopération active dans le domaine des composants électroniques », plus particulièrement au sein de Minatec. […] La DGA […] sera associée aux orientations de Minatec, participera au choix des sujets de thèses, aux groupes de réflexion sur l’élaboration des programmes du CEA-LETI et cofinancera certains des programmes de recherche retenus. » (source)
3. Qu’est-ce qu’une innovation « duale » ?
La production de semi-conducteurs est toujours duale, c’est à dire qu’elle sert à la fois les usages civils et à la fois ceux militaires. En outre, on estime que 18 % des investissements européens dans l’électronique visent spécifiquement le marché « aérospatiale, défense, sécurité » (source).
4. Quels liens entretient Soitec avec l’industrie de l’armement ?
Soitec est étroitement liée à la DGA et à l’industrie de l’armement, même si sa communication publique ne le mentionne pas. Dès l’origine, l’entreprise Soitec a été créée pour valoriser la technologie « silicium sur isolant » pour répondre aux besoins de dissuasion nucléaire (source), et l’entreprise continue de travailler pour ce secteur, par exemple en fabriquant des substrats destinées aux puces dites « Rad-Hard » (Radiation Hardened, résistantes aux radiations) de ST Microelectronics (source) et aux boîtiers électroniques de l’entreprise crolloise Ecrin Systems (source) (ces puces répondent aux normes militaires QML-V ou MIL-PRF-38535, source). Précisons également que la filiale belge de l’entreprise produit des semi-conducteurs spéciaux pour les radars des avions de chasse Rafale (source).
5. Et concernant ST ? Travaille-t-elle pour la défense ?
Innovation « duale » oblige, des microcontrôleurs STM32 ont été retrouvés dans des drones russes utilisés en Ukraine (Orlan-10, E95M, Eleron-35V, Koub-B1A) (source) ainsi que dans les drones tueurs Lancet (source) et drones kamikazes KUB-BLA (source), et des puces dans les systèmes de guidage des missiles Kh-101 utilisés contre les civils et les infrastructures en Ukraine. (source) Précisons qu’une partie de ces ventes à la Russie s’est faite depuis la mise en place de l’embargo ! (source). Nous avons traité de ce sujet ici.
Mais dans certains cas, ST Crolles travaille sur des puces dont les applications ne sont pas duales, mais purement militaires. En effet, ST Crolles est à la tête du consortium de recherche EXCEED qui a pour but de développer une puce électronique à usage militaire et de jeter les bases d’une filière européenne de systèmes sur puce (SoC) à usage exclusivement militaire. (source et source). L’objectif est notamment de supprimer la dépendance aux puces étasuniennes et de contourner la réglementation ITAR (qui sert à contrôler les importation et exportations de matériels militaires ou stratégiques contenant des composants étasuniens, afin que ceux-ci ne soient pas vendus à des ennemis des USA, l’Iran par exemple). Concrètement, il s’agit de concevoir et fabriquer une puce de basse consommation, reconfigurable, sécurisée et capable de travailler dans les conditions extrêmes. ST sera chargé de la fabriquer en chaîne de production. Les systèmes sur puce étant une des spécialités de STMicroelectronics, rien d’étonnant à trouver sa filiale crolloise à la tête du consortium. Le programme EXCEED a été lancé en octobre 2020 pour une durée de 4 ans et demi (source). Il est financé à hauteur de 90 millions d’euros par le Fond de défense européen avec la participation de l’Agence de défense européenne (source : Le Postillon, n°72, hiver 2023), dont 2 millions d’euros spécifiquement pour ST Crolles. 19 autres entreprises européennes (dont le fabricant de fusées et satellites Ariane, Safran Electronics & Defense, deux filiales de Thales et le fabricant de missiles MBDA) participent à ce consortium.
Le sujet est traité ici.
6. Mais alors, c’est quoi, le « modèle grenoblois » ?
Le « modèle grenoblois » ou « Silicon Valley à la française » dont STMicroelectronics et Soitec sont des exemples parfaits, c’est une collaboration extrêmement poussée entre centres de recherche publics, entreprises privées et militaires.
Les laboratoires publics (CEA-Leti, CEA-LIR, CNRS, UGA, Inria…) favorisent la création de start-ups pour industrialiser les brevets et privatiser les profits. Le tout se fait avec la complicité bienveillante des militaires et du complexe militaro-industriel. Ce « modèle grenoblois » est la matrice des pôles de compétitivité, devenus la norme en France sur fond de libéralisation de l’université et de l’économie (source : Groupe Grothendieck, L’université désintégrée, Le monde à l’envers, 2020).
Rappelons la réalité des « conséquences » de la « souveraineté technologique de la France » : l’État a de longue date décidé d’avoir une armée reposant sur la puissance technologique, (bombe atomique, sous-marins, porte-avions, équipements de pointe). Dans ce but, la France s’est dotée d’un réseau d’entreprises travaillant pour la défense, la base industrielle et technologique de défense (BITD), sous l’égide de la Direction Générale de l’Armement. Or, pour assurer la pérennité du modèle économique de ces entreprises, on estime qu’il faut exporter entre 40 et 60 % de la production (lire Groupe Grothendieck, Des treillis dans les labos. La recherche scientifique au service de l’armée, Le monde à l’envers, 2024). Pour assurer notre « souveraineté technologique » il faut vendre la mort aux quatre coins du monde. C’est ainsi que la France est devenue en 2024 le deuxième exportateur mondial d’armement. Le lien avec ST et Soitec, entreprises indispensables à la dissuasion nucléaire (source) industrialisant des technologies initialement développées avec le concours de la DGA (source) est évident : derrière le mode de vie « connecté » généralisé, les besoins militaires stratégiques. C’est cela, le modèle « grenoblois ».
Nous avons traité de ce sujet ici
7. Quels sont les liens entre les institutions et entreprises grenobloises avec le complexe militaro-israélien?
Un ministre israélien déclarait en 2024 : « Grenoble est un exemple frappant de synergies entre le monde de la recherche (à l’image du CEA où je me suis rendu) les entreprises, les start-up, les universités. Cela me rappelle le modèle israélien dont l’écosystème s’est construit ainsi entre différents acteurs » (Le Dauphiné libéré, 23/03/2024). En Israël, pays comptant le plus de start-up par habitant au monde, les liens sont symbiotiques entre l’armée, le gouvernement, les universités, et des start-ups boostées au capital risque. C’est officiel : « l’armée est au cœur de son écosystème. » (source)
C’est pour cette raison que la ville de Grenoble est jumelée avec la ville universitaire de Rehovot, où se trouve l’Institut Weizmann, une sorte d’équivalent de la branche recherche du CEA.
C’est aussi pour cette raison que ST est l’un des plus grands acteurs du semi-conducteur en Israël (source).
Quant à Soitec, elle était copropriétaire jusqu’en 2024 (avec le missilier MDBA) de l’entreprise meylannaise Dolphin, bien implantée en Israël depuis la moitié des années 1990 (source).
Tous ces partenariats sont décrits et analysés dans un article du Groupe Grothendieck disponible ici
8. Les entreprises iséroises fabriquent-elles des composants électroniques de pointe ?
Le marché des puces se répartit en deux familles : les puces « avancées » (à la gravure de moins de 7nm) et les puces moins avancées (gravées à plusieurs dizaines de nanomètres). Les premières, plus coûteuses, permettent un compromis puissance de calcul / consommation, et sont destinées notamment aux marchés des smartphones et des ordinateurs (des secteurs qui demandent d’importantes capacités de calcul des processeurs). Les secondes, moins chères, sont plutôt destinées aux marchés ne nécessitant pas de processeurs avec des capacités de calcul et de mémoire énormes, comme l’internet des objets et l’automobile.
Les puces fabriquées par ST et Soitec ne sont pas des puces « avancées ». Soitec grave de 10 à 65 nm (source) et ST en 18 nm au plus fin. L’’un des produits phares de ST, le contrôleur STM32 est majoritairement gravé en 90 nm (certains en 40 nm) (source). Les composants « avancés » sont tous produits en Asie du Sud-Est par TSMC et Samsung (source et source).
8. Cela veut-il dire que l’Europe est à la traîne de l’Asie du Sud-Est ?
L’Union européenne sait qu’elle ne pourra jamais rattraper son retard dans la course à la e de gravure (source.).
Mais le pari fait par le CEA-Leti est à plus long terme : ne pas chercher à tout prix à améliorer la finesse de gravure (du fait que cette course à la finesse va être compliquée par des limites physiques), mais plutôt de changer la conception des puces : « changer de matériaux, d’architecture de circuit, de méthode de conception, etc. » (source). Ce sont ces choix faits de longue date par le CEA-Leti (source) qui conditionnent le développement de la filière électronique française, et iséroise en premier lieu (STMicroelectronics et Soitec). Nous abordons ce sujet dans ce texte.
LE MENSONGE DE LA « RELOCALISATION »
1. On parle de relocalisation. Mais les puces sont-elles produites dans le Grésivaudan ?
Au sens strict, non. STMicroelectronics grave des substrats, des grandes plaques rondes de silicium qui contiennent de nombreuses puces. Les substrats eux-mêmes ne sont fabriqués par ST : ils sont manufacturés en Chine, aux Etats-Unis ou au Japon. Dans le Grésivaudan on se contente de les graver. Une fois gravés, les substrats sont envoyés à l’étranger pour être découpés et testés, en Corée, Chine, Malaisie, Maroc, Singapour, USA ou Japon (source).
Ce qui se passe à Crolles ou à Bernin n’est donc qu’une (petite) étape de la longue chaine de fabrication des puces.
2. D’où viennent les matériaux utilisés pour la fabrication des puces ?
Les matériaux utilisés ne sont pas à proprement parler des matériaux locaux. Pour n’en citer que quelques uns : cuivre (Chili, Congo, Pérou), aluminium (Australie, Guinée, Chine), étain (Chine, Birmanie, Indonésie)…
Ces métaux proviennent de plusieurs centaines de sites et fournisseurs ainsi que l’annonce ST dans son plan de vigilance 2022 : « En 2022, nous avons déclaré 229 fonderies de 154 fournisseurs et sous-traitants dans notre chaîne d’approvisionnement 3TGs (étain, tungstène, tantale et or). » (source), fonderies qui elles-mêmes se fournissent auprès de centaines de mines, d’où l’intraçabilité des minerais et métaux utilisés. En effet, pour beaucoup de ces éléments métalliques de diverses origines, ceux-ci sont regroupés sur des marchés au-delà desquels on perd toute trace de leur origine. Ce qui est plutôt arrangeant pour les entreprises qui n’ont de fait rien à justifier de la provenance de leurs matières premières.
De fait, la traçabilité des matériaux est extrêmement difficile à établir, même si nous nous y sommes essayés dans un document dédié.
On a cependant pu établir que le silicium sur lequel sont gravés les wafers de Soitec vient de Chine via le Japon (source). ST quant à elle s’approvisionne principalement auprès de l’étasunien Wolfspeed et de SiChrystal pour ses substrats en silicium (source).
3. Combien ST et Soitec ont-elles de sous-traitants ?
C’est impossible à dire tant la chaîne de production est complexe !
Le premier niveau de sous-traitant, c’est le voisin de ST, l’entreprise crolloise Ectra, qui consacre plus de la moitié de son site de Crolles à ST (source).
Mais rien qu’à ce même niveau 1 de sous-traitance ST revendique environ 6,600 fournisseurs de niveau 1 de différents types et tailles. « Nos fournisseurs vont des sous-traitants de fabrication aux fournisseurs de matériaux, d’équipements et de pièces détachées, en passant par les prestataires de services sur site et les agences de travail. » (source). Ainsi, outre les centaines de fournisseurs en matières premières, ST dépend d’une myriade de fournisseurs et de sous-traitants internationaux (en outils, machines, structures de gestions de flux, pré-processing des étapes de fabrication), ceux-ci provenant à 51 % d’Asie et à 42 % d’Europe (source).
4. Ces entreprises ne sont donc qu’un maillon d’une vaste chaîne mondiale ?
En effet. Quand les autorités affirment que les extensions de ST et Soitec seraient des relocalisations, il s’agit vraiment d’une manipulation du langage.
D’une part parce que le marché des puces grossit d’années en années : ST n’est pas en train de fermer des usines en Asie pour en ouvrir en France, mais d’ouvrir des usines en Asie et en France (comme nous l’expliquons ici.
Mais aussi parce que les usines du Grésivaudan travaillent constamment avec le monde entier, que ce soit pour leur approvisionnement ou pour la suite de la fabrication des puces. Sans le tantale du Congo et les petites mains de Singapour, l’usine de Crolles ferme immédiatement !
Nous avons détaillé le sujet ici.
5. Mais une « vraie » relocalisation serait donc nécessaire, non ?
Concernant l’industrie des semi-conducteurs, on peine à imaginer ce que signifierait réellement le terme « relocalisation ». Bon nombre de métaux indispensables à la fabrication des puces ne sont pas disponibles en Europe, et encore moins en France.
En réalité, l’industrie des semi-conducteurs est tributaire de l’exploitation des pays du Sud. Et si celle-ci cessait, on imagine mal les Congolais ou les Chiliens envoyer en France leurs précieux minerais qui permettent à la quincaillerie électronique d’exister. A la différence d’autres groupes (comme le PCF, EELV ou la CGT), nous pensons que le préalable à une quelconque « relocalisation » est une remise à plat de nos besoins et une réflexion sur l’utilité (et la possibilité) de les produire nous-mêmes.
Il nous semble que dans un monde débarrassé du capitalisme et de l’exploitation de l’humain (et des non-humains) par l’humain, il n’y aura plus d’industrie de microélectronique. Dans ce monde, il n’y aura plus d’IPhone 13. Parce que l’existence même de la filière microélectronique et des IPhone 13 implique le plus haut degré jamais mis en place de division internationale du travail, ainsi que le pillage systématisé des richesses du sous-sol du Sud global et la mise sous tutelle (et esclavage) de sa population.
Plutôt que de vouloir (illusoirement) relocaliser les nuisances liées à la production du mode de vie connecté, nous pensons qu’il faut lutter pour une société qui refuse ces indignes rapports de pouvoir, et construire une société qui n’utilisera plus les fruits de cette exploitation (nous avons détaillé cette position ici et là).
C’est pourquoi nous nous revendiquons de l’autonomie plus que de la souveraineté (comme nous l’expliquons ici) et que nous pensons qu’il faut s’opposer à ces projets d’agrandissement, qui cachent cyniquement sous le masque de la « relocalisation » un néo-colonialisme et un productivisme immoraux et insensés.
LES AGRANDISSEMENTS DE STMICROELECTRONICS ET SOITEC
1. Les travaux d’agrandissement de STMicroelectronics ont-ils commencé ?
Les travaux d’agrandissement de STMicroelectronics ont déjà commencé, 2 ouvriers d’entreprises sous-traitantes sont d’ailleurs décédés cette année, en lien avec les conditions de travail sur les chantiers (source).
Cependant, cela fait plusieurs mois que les travaux sont à l’arrêt. Pour le moment, sur six gateways : un est déjà en production, trois sont construites mais pas équipées et deux autres ont uniquement leurs fondations. Plusieurs raisons expliquent cet arrêt soudain des travaux : 1. Un marché du semi-conducteur en berne pour l’instant ; 2. Le fait que l’entreprise étasunienne GlobalFoundries, avec laquelle STMicroelectronics réalise son extension à Crolles n’a pour le moment ni participé à la construction, ni à l’équipement de la nouvelle usine alors qu’elle doit partager les coûts avec ST. De son côté, ST annonce que « le projet se poursuit ».
Nous avons détaillé ce sujet ici
2. Quand finiront-ils ?
Nul ne le sait, à présent!
Initialement, la mise en service des trois infrastructures (gateways) était prévue progressivement, à partir de début 2024 (source : Le Dauphiné Libéré, 28/08/2023), après l’autorisation préfectorale qui suivra l’enquête publique. La mise en service totale des 6 Gateways (numérotées 4 à 9) devait se faire d’ici 2026 (source).
Mais plusieurs choses ont changé : sous la pression de la contestation, l’industriel a été contraint de mener une concertation, puis de relancer une nouvelle enquête publique, les choses ayant été menées à l’envers (comme nous l’expliquions ici). En outre, on ignore si et quand le partenaire américain va revenir. Enfin, on peut espérer une embellie sur le marché des puces d’ici un à deux ans (il s’agit d’un marché cyclique aux fortes variations).
En août 2024, ST affirmait que « au regard de la cyclicité du marché mondial des semiconducteurs, il est actuellement complexe de prendre un engagement ferme sur des dates de construction, puis d’exploitation de chaque extension prévue dans la cadre de ce Projet, dimensionné pour répondre à une évolution du marché à 10 ans basé les prévisions actuelles des experts » source)
3. A combien s’élèvent les subventions publiques pour l’agrandissement de STMicroelectronics ?
L’État français finance cet agrandissement à hauteur de 2,9 milliards d’euros, « le plus grand investissement industriel des dernières décennies, hors nucléaire » a même vanté Bruno Le Maire. Ce budget est provisionné dans le volet semi-conducteurs de France 2030, qui représente un total de 5,5 milliards d’euros sur cinq ans. Ce volet est lui-même inclus dans le European Chips Act, un plan européen dont l’objectif est d’augmenter drastiquement la production de puces en Europe. Mais difficile d’en savoir plus car la convention liant l’État et l’industriel est confidentiel.
4. Cette usine est-elle vouée à remplacer une usine en Asie du Sud-Est ? Ne vaut-il pas mieux produire ici nos puces plutôt que les sous-traiter à l’autre bout du monde ?
Il faut savoir qu’on fabrique de plus en plus de semi-conducteurs. La demande globale de semi-conducteurs augmente de 15 % par an (source). Ainsi, « la demande de puces devrait doubler entre 2022 et 2030, avec une augmentation significative de la demande future de technologies de pointe pour les semi-conducteurs » (source).
L’agrandissement de l’usine s’inscrit dans le cadre d’un plan européen, l’European Chips Act, qui vise à « mettre en place un cadre visant à porter la capacité de production à 20 % du marché mondial d’ici à 2030 » (source) donc multiplier par quatre la production européenne de puces. En l’occurrence, le projet est de tripler le nombre de puces produites à Crolles.
Autant dire que l’usine de Crolles ne remplacera pas une usine à Taïwan. On consomme de plus en plus de puces, il faut en produire de plus en plus, dans une course sans fin à l’innovation.
Pour notre part, nous pensons que la meilleure façon de ne pas dépendre des usines de semi-conducteurs produits en Asie du Sud-Est est d’en utiliser moins, et non pas plus. Cela passe par reconquérir notre autonomie face au mode de vie industriel et connecté qu’on nous impose (STMicro en tête, dont le slogan est « life.augmented »). Refuser l’implantation de cette « méga-usine » est une façon parmi d’autres de se battre contre ce monde (de plus en plus) connecté. Nous sommes solidaires des autres collectifs et associations qui refusent ces méga-projets (usines de semi-conducteurs, data-centers, mines de lithium…) près de chez eux.
5. L’agrandissement permet-il d’améliorer la « souveraineté nationale » ?
Si par « souveraineté », il est entendu que l’extension de l’usine de Crolles engage la France dans une démarche d’autonomisation productive d’équipements numériques, alors l’argument est intenable :
– la production de puces sur le site de Crolles nécessite l’approvisionnement en matières premières indisponibles sur le sol français.
– quand bien même ces approvisionnements en matières premières seraient possibles, les éléments de base de la production de puces requièrent des process complexes d’affinages successifs opérés dans des usines en Chine et au Japon.
Nous avons développé ce sujet dans plusieurs textes (ici et là).
6. Et les emplois dans tout ça ?
ST annonce que l’agrandissement de l’usine va créer 1000 emplois. Un nombre absolument ridicule face aux aides publiques astronomiques pour ce projet : 2,9 milliards d’euros. Ces investissements de 2.9 millions d’euros par emploi pourraient générer des activités bien plus utiles (pièces de vélo, savons, chaussettes et outils de maraîchage…) De plus, les conditions de travail dans les salles blanches aseptisées ne sont ni enviables, ni viables. Le syndicat CAD de STMicroelectronics (Collectif Autonome et Démocratique) décourage même à demi-mot de postuler dans l’entreprise en invitant les futurs salariés « à bien comparer les conditions de travail et d’embauche des différentes entreprises de leur bassin d’emploi avant de postuler dans cette entreprise » et en recommandant aux salariés du site de Crolles de « régulièrement mettre à jour leur CV en ligne, en n’oubliant pas d’indiquer qu’ils sont disponibles lorsque c’est le cas » (source). C’est dire à quel point les conditions de travail semblent peu désirables !
7. Quelle est la position d’EELV sur l’agrandissement de l’usine ?
EELV Isère affiche sa position publique dans un communiqué, publié en juin 2023 (lisible ici).
Dans ce communiqué, le parti parle de la raréfaction de l’eau et de sa consommation par les industries de la microélectronique mais dit dans le même temps que « l’arrêt des industries électroniques est impossible, et la délocalisation loin de nos regards, pas souhaitable ». La position d’EELV repose sur l’argument de l’indépendance industrielle européenne et donc sur celui de la réindustrialisation, au motif qu’il est préférable de produire ici plutôt qu’ailleurs. Dans ce même communiqué, EELV témoigne de sa position quant à la compatibilité entre numérique et transition écologique en affirmant que « ces entreprises sont indispensables aux transitions vers un monde bas-carbone ».
Sur la question de l’eau précisément, EELV dit s’opposer à l’augmentation du volume d’eau fourni à l’usine, souhaitant que celui-ci reste limité aux canalisations actuelles (dont une partie a déjà été doublée en 2023, en vue de l’extension de l’usine).
En somme, EELV soutient l’agrandissement de l’usine tout en tenant des positions contradictoires : oui pour la réindustrialisation, donc l’ouverture d’une nouvelle usine, donc la production de plus de semi-conducteurs, mais par contre sans utiliser plus d’eau.
A noter que ce communiqué survient après plusieurs mois de mobilisation de la part de STopMicro et de forte médiatisation des enjeux autour de la consommation d’eau par ce secteur industriel. Avant cela, et alors même que ces usines sont présentes sur le territoire depuis des dizaines d’années et que ST est le premier employeur local, les élu-es EELV de l’Isère ne s’étaient jamais exprimés sur les enjeux environnementaux liés à celles-ci.
8. Comment la CGT STMicroelectronics Crolles se positionne-t-elle sur la question de la consommation d’eau de son usine ?
Dans un communiqué publié en septembre 2023 (lisible ici), la CGT ST Crolles affiche sa position.
Elle appelle à utiliser moins d’eau, polluer moins et recycler plus. Elle affirme que leur industrie « répond en partie à des besoins de la société et nous défendons la relocalisation de l’industrie pour répondre à ces besoins mais nous devons exiger que l’impact de la production sur les ressources disponibles n’excède pas les capacités du territoire ». La CGT ST Crolles appelle à baisser la consommation d’eau potable en préconisant une tarification incitative (que les gros consommateurs payent plus), la mise en place d’un réseau alternatif d’eau de moindre qualité (type eau de sortie de stations d’épuration) et elle insiste sur l’importance d’une gestion démocratique de l’eau.
9. Et Soitec ? Va-t-elle aussi s’agrandir ?
Oui… mais il ne faut pas le dire! L’entreprise avait fait part de sa volonté d’agrandir à nouveau la taille totale de son site de 50 % dans les mois ou années à venir (source). Il s’agit de la construction de deux usines, Bernin 5 et Bernin 6 (dédiée pour l’une à la production de substrats pour les puces FD-SOI, et pour l’autre à des plaquettes de piézoélectrique sur isolant, dédiés aux filtres radiofréquences des smartphones (source) pour un budget de plus de 600 millions.
La Communauté de communes du Grésivaudan a décidé en décembre 2022 d’accompagner l’agrandissement de Soitec dans le cadre d’une extension de la zone d’activités économiques des Fontaines (source). Le coût de l’extension de la ZAE est estimé à 8 millions d’euros.
À l’heure actuelle, ces 11 hectares de terres agricoles sont utilisés majoritairement pour produire du blé et appartiennent à différents propriétaires privés.
10. Quel est le rôle de la Communauté de communes et d’Isère aménagement ?
Soitec a ses locaux sur la Zone d’activité économique (ZAE) des Fontaines, à Bernin. En décembre 2022, la Communauté de communes a pris la décision d’agrandir la ZAE (source). La mise en oeuvre du projet est portée par Isère Aménagement (une société privée dont sont actionnaires 48 collectivités publiques dont la Communauté de communes Le Grésivaudan).
Concrètement, c’est la collectivité qui prend la responsabilité (et les coûts) de l’acquisition de terres agricoles et de la demande de modification de PLU. Cela permet aussi à Soitec de se cacher derrière le projet d’agrandissement de ZAE : « c’est pas nous qui nous agrandissons, c’est la ZAE ». Mais à qui l’agrandissement de la ZAE est-il destiné ? En 2023, la Commission nationale du débat public estimait que plus de la moitié de la surface de l’extension de la ZAE (8 hectares sur 11,2) était destinée à Soitec. Mais depuis, Soitec a annoncé la suspension de son projet…
11. Ah bon? Le projet d’agrandissement est donc suspendu ?
En effet. En avril 2024, la Commission nationale du débat public a rendu publique la décision de Soitec de suspendre ses projets d’extension. On a appris ensuite dans la presse qu’il s’agirait d’une suspension d’un an seulement.
12. Mais pourquoi l’entreprise a-t-elle annoncé la suspension de son projet d’agrandissement ?
La justification officielle donnée par l’entreprise est de « s’adapter à la dégradation des conditions du marché ». Or, cette suspension pourrait également avoir un lien avec la mise sur pause des agrandissements de ST (voir plus haut). Dans L’Usine Nouvelle, un cadre interne de Soitec affirme que l’une des deux usines Bernin 5 et 6 aurait été imaginée pour accompagner la nouvelle mégafab de STMicroelectronics car l’un des axes forts de ce projet est de produire les prochaines générations de puces en technologie FD-SOI dont Soitec fournirait les substrats. Or, les travaux étant à l’arrêt, le besoin de créer une nouvelle capacité de production de plaquettes FD-SOI à Bernin devient moins urgent.
De plus, le délégué syndical et représentant du personnel au conseil d’administration de la CGT, Fabrice Lallement, évoque dans le même article la montée de la contestation menée par STopMicro comme étant l’un des facteurs qui ont conduit la direction à suspendre le projet : « Je vois mal la direction relancer le projet dans un an. La contestation citoyenne reprendra de plus belle et ne fera que dégrader davantage l’image de la société. La direction n’a pas bien communiqué sur son projet et Soitec pâtit des problèmes rencontrés par STMicroelectronics dans la consultation publique sur son projet d’extension à Crolles. »
C’est en partie une victoire de STopMicro, selon l’équation suivante : [Grabuge STopMicro + mauvaise conjoncture économique = opération trop risquée].
13. Le projet d’extension est donc abandonné ?
Non, il est seulement suspendu. Et surtout, le projet d’extension de la ZAE, lui, continue officiellement : la concertation préalable a eu lieu en septembre-octobre 2024, et l’enquête publique aura sans doute lieu au début 2025. C’est une étape importante, car si cette étape est franchie les terres agricoles seront rachetées par la Communauté de communes et changeront de statut dans le plan local d’urbanisme.
L’ENQUÊTE PUBLIQUE ET LA CONCERTATION SUR L’EXTENSION DE STMICROELECTRONICS
1. Quel est le déroulement du processus d’enquête(s) publiques(s) et de concertation sur l’extension se STMicroelectronics ?
En réalité, tout a été fait à l’envers dans ce dossier, ce qui fait que c’est un peu compliqué à expliquer. STMicroelectronics a tellement l’habitude de prendre ses désirs pour la réalité que la partie administrative est faite de façon un peu… cavalière !
En résumé, pour un projet de cette envergure, il est légalement nécessaire de procéder à une concertation préalable (lors de laquelle le public peut parler de sujets généraux, de l’opportunité du projet…), puis à une enquête publique (sur les aspects techniques et réglementaires). Or, ST a… oublié de faire la concertation !
Une enquête publique a donc eu lieu. Suite à quoi l’industriel, se rendant compte de la bourde, a lancé la concertation (nous avions résumé la situation ici). Puis, après un moment d’incertitude, la Préfecture a imposé à ST de refaire l’enquête publique. Cette seconde enquête publique a eu lieu fin 2023, et nous l’avons analysée ici.
2. Comment s’est passée la première enquête publique ?
L’enquête d’utilité publique concernait l’extension de l’usine de STMicroelectronics. Elle concerne la mise en fonctionnent des nouvelles infrastructures, et non pas leur construction, celle-ci ayant d’ailleurs commencée bien avant le début de l’enquête publique (le permis de construction ayant été accordé). L’enquête publique s’est déroulée du 28 août 2023 au 9 octobre 2023.
Sur 33 documents d’enquête déposés par STMicroelectronics, 17 sont restés confidentiels et non-accessibles au public. Les commissaires enquêteurs ont rendu en novembre 2023 un avis positif assorti de réserves et de recommandations. Ils ont notamment relevé « une étude d’impact particulièrement brouillonne, extrêmement difficile à appréhender », l’« absence de réponses dans son mémoire à toutes les questions du public », « une demande de dérogation portant sur les rejets aqueux de ST dans l’Isère basée sur des considérations purement économiques », « des hypothèses de diversification de la ressource en eau toutes hasardeuses ».
3. Quelle a été la position de STopMicro sur l’enquête publique ?
La position initiale du collectif est détaillée dans ce communiqué. Pour résumer, nous pensons que cette enquête publique est une mascarade démocratique qui sert simplement à légitimer l’extension. Comment des travaux déjà financés (à hauteur de plusieurs milliards d’euros) et déjà largement commencés (faisant au passage 2 morts et plusieurs blessés) pourraient-ils aboutir à une non-mise en fonctionnement ? D’autant plus quand on sait qu’une enquête publique est simplement consultative et que les enjeux afférents à cette extension passeront outre un avis négatif (enjeux européens de domination sur les plans militaires, économiques et géostratégiques).
Nous avons tout de même participé à l’enquête publique (notre contribution est lisible ici). Notre bilan de l’enquête publique à l’issue de celle-ci est lisible ici.
4. Quelles ont été les prises de positions des élu-es EELV ?
Dans le cadre des contributions à l’enquête publique, Eric Piolle est le seul élu EELV à ne pas s’être positionné de manière défavorable au projet d’extension. Il met en avant l’argument de la souveraineté et va jusqu’à dire que « le projet d’agrandissement de l’usine de fabrication répond à un enjeu économique de réindustrialisation bas carbone ». Toutefois, il se dit en même temps préoccupé par la consommation d’eau et les impacts environnementaux de l’usine et appelle à un encadrement de la consommation d’eau et à une priorisation des usages.
Le sénateur Jérémie Iordanoff, le conseiller régional Vincent Gay, l’adjoint de Piolle à la mairie Pierre Mériaux, la conseillère départementale Marie Questiaux et le groupe local EELV du Grésivaudan se sont positionnés contre l’extension de l’usine.
Vincent Gay se dit « très défavorable », pointant du doigt une enquête publique qui arrive trop tard, des usages qui ne sont pas questionnés et les conséquences sur l’eau en termes de consommation et de rejets. Il affirme néanmoins qu’il est nécessaire de produire en France pour contrôler l’impact environnemental de cette industrie.
Jérémie Iordanoff et Marie Questiaux émettent des inquiétudes également sur la question de la consommation d’eau, il et elle écrivent que la relocalisation est un objectif souhaitable afin de relocaliser notre pollution mais qu’il faudrait une réflexion sur la sobriété des usages des produits finis. Enfin, comme Iordanoff, il et elle déplorent des travaux qui ont déjà largement commencés.
Le groupe EELV du Grésivaudan quant à lui, en plus de mentionner les lacunes dans le dossier ou les impacts sociaux liés au foncier, adresse une critique plus systémique des nuisances causées par le numérique : « les écologistes du Grésivaudan (et d’ailleurs) considèrent que la croissance incontrôlée du « numérique » au niveau planétaire doit être questionnée. Au rythme actuel de cette croissance, l’impact de ces technologies sur les ressources vitales (comme l’eau mais aussi l’air pur), sur la biodiversité et sur le climat s’ajoute à celui des gaz à effet de serre d’une façon significative. Les besoins de matériaux de type « terres rares », dont les ressources sont limitées, les extractions coûteuses, polluantes, et demandant un acheminement sur des milliers de kilomètres, besoin de matériaux nécessaire à la réalisation de batterie (lithium, cobalt, nickel) dont les épuisements sont prévus entre 34 et 160 ans, impossibilité de recyclage ou de retraitement, avec des obligations légales de retraitement qui sont non-respectées. Le numérique suscite aussi des craintes d’un autre ordre : il met en danger nos libertés en donnant les moyens aux gouvernements de tous bords de contrôler les déplacements, les communications, les faits et gestes de tout un-e chacun-e (…) nous devons réduire notre consommation de puces et arrêter de produire des milliards d’objets inutilement connectés voire de « gadgets » électroniques qui terminent leur existence dans les poubelles en quelques mois ou quelques jours. » Le groupe du Grésivaudan n’appelle malgré tout pas à la fermeture de STMicroelectronics disant que « Malgré cela, nous ne pensons pas qu’il faille fermer toutes les usines européennes qui produisent des semi-conducteurs dont celle de STMicro à Crolles. Nous avons l’espoir qu’en France et en Europe, la législation et la réglementation permettent de réguler mieux qu’ailleurs l’impact de ces usines sur la planète. Il nous semble aussi que la présence sur notre sol de l’une d’entre elles et les débats qui entourent sa consommation d’eau et autres nuisances ainsi que son projet d’agrandissement pourraient permettre une prise de conscience par nos concitoyen-nes de l’absurdité de cette croissance numérique, en particulier dans les sphères individuelles. »
5. Quels ont été les avis des conseils municipaux des communes concernées par l’enquête publique ?
Le Plateau des Petites Roches est la seule commune à avoir émis un avis défavorable (à l’unanimité du conseil municipal). La commune met en avant un dossier incomplet et opaque, la consommation d’eau potable de l’usine et ses rejets dans l’Isère, l’empreinte carbone liée aux flux domicile-travail, l’accaparement de terres agricoles et les risques technologiques pour la commune liée à l’extension d’une usine Seveso seuil haut. Laval-en-Belledonne et Villard-Bonnot ont émis des avis favorables (« sous réserves de l’ensemble des recommandations de l’autorité environnementale » dans le cas de Villard-Bonnot). Les deux communes mentionnent toutefois l’impact sur le foncier et la circulation, elles souhaitent plus de trains en gare de Brignoud, et Laval demande à ce que le projet de RER métropolitain soit relancé.
6. Quelles associations ont émis des avis défavorables ?
Grésivaudan Nature Environnement (GRENE), le Collectif Grignon, France Nature Environnement Isère (FNE), le collectif Grési Citoyen-nes et l’association CIVIPOLE ont émis des avis défavorables au projet d’extension de STMicroelectronics.
Nous avons synthétisé les contributions les plus significatives ici.
7. Comment s’est déroulée la concertation ?
A l’issue de l’enquête publique, l’industriel et les services préfectoraux se sont rendu compte que la concertation avait été oubliée. C’est pourtant une obligation légale pour un projet de cette envergure.
Elle a finalement eu lieu du 22 mars au 19 avril 2024.
8. Quelle a été la position de STopMicro sur cette concertation ?
Nous considérons que dans le cadre de projets techno-industriels impliquant les intérêts militaires (comme les agrandissements de ST et de Soitec), il ne peut pas y avoir de « démocratie ». Les décisions sont déjà prises au plus haut niveau. Ainsi, la « concertation » qu’on nous vend comme un moment de démocratie est une vaste mascarade. Elle est organisée dans l’urgence et ne permet pas de poser les questions de fond qu’il serait pourtant utile de traiter collectivement. Nous contestons en particulier le fait que ce soit ST qui choisisse les termes du débat et son issue.
Nous préférons parler de « pseudo-concertation », voire de « spot de pub pour la life.augmented » car nous avons plus haute conception de la démocratie. C’est pourquoi nous avons appelé au boycott de cette « concertation ».
Notre position est développée ici et là.
9. Donc ensuite il y a eu une seconde enquête publique ?
Oui… même si on en a douté pendant un temps ! Lors de la concertation, ST avait même publié un schéma qui affirmait que la phase suivant la concertation serait la mise en service de l’usine (source). Les services préfectoraux bottaient en touche (source)…
Finalement, ST a bien du repasser par la case enquête publique, dont les document sont publiés ici et qui a eu lieu du 14 octobre au 25 novembre 2024. Il faut avouer que nous n’en attendons pas grand chose. Mais c’est toujours du temps perdu et des batons dans les roues de l’industriel, alors que ST à l’habitude que ce soit le cadre légal qui se plie à ses ambitions. Nous avons analysé cette enquête publique ici.
L’ENQUÊTE PUBLIQUE ET LA CONCERTATION SUR L’EXTENSION DE SOITEC
1. Comment se passe la concertation pour l’agrandissement de Soitec ?
Une concertation préalable a lieu du 30 septembre au 11 novembre 2024. Mais attention : il ne s’agit pas d’une concertation sur l’agrandissement de Soitec (puisque l’entreprise a annoncé la suspension de son projet), on parle seulement de l’extension de la ZAE.
Là encore, il y a tout un mic-mac, puisque initialement la concertation avait été lancée par Isère aménagement. Ensuite la CNDP a obligé Soitec a coorganiser la concertation, estimant que « le projet d’extension de ZAE et celui de Soitec n’en forment qu’un seul ». C’est à ce moment que Soitec, visiblement ennuyé par toutes ces contraintes, a annoncé son retrait du projet. Depuis, la concertation a repris, portée uniquement par Isère aménagement. Gageons que quand les choses se seront un peu tassées, Soitec repointera le bout de son nez…
2. Quelles sont les étapes suivantes ?
Après la concertation, les garants de cette dernière rendront des recommandations.
Ensuite (début 2025 sans doute) une enquête publique aura lieu, qui rendra un avis favorable ou défavorable.
La commune devra mettre son plan local d’urbanisme en compatibilité avec le SCOT, c’est à dire changer la classification des terres agricoles en zone à vocation industrielle.
Isère aménagement devra faire l’acquisition des terres, qui appartiennent à l’heure actuelle à différents propriétaires privés.
Une fois toutes ces étapes passées, si un industriel décide de s’installer sur la ZAE et que son projet est de taille conséquente (comme celui de Soitec l’est), il devra mener une nouvelle concertation, une nouvelle enquête publique…
LE COLLECTIF
1. Depuis quand le collectif STopMicro existe-t-il ? Quelles sont ses actions ?
Le collectif s’est formé à l’automne 2022. Il organise des actions, collecte et partage des informations… et compte bien empêcher l’agrandissement des sites de STMicroelectronics et de Soitec.
Parmi nos actions, nous avons organisé un rassemblement devant la Régie des eaux de Grenoble en décembre 2022, une manifestation rassemblant 1000 personnes à Crolles et Bernin sous le mot d’ordre « De l’eau, pas des puces ! » le 1er avril 2023, un rassemblement devant le conseil communautaire du Grésivaudan en mai 2023, une « baignade party » dans le ruisseau entre ST et Soitec et une perturbation des 50 ans de l’entreprise en septembre 2023, ainsi qu’une occupation de la DREAL en décembre 2023… Et puis nombre de diffusion de tracts, participation et organisation de réunions publiques. Ce n’est pas fini !
2. Quelles sont les revendications du collectif ?
STopMicro lutte contre l’emprise numérique grandissante, contre le pouvoir des grandes entreprises, et pour une alternative à la dégradation environnementale et au mode de vie industriel qui en est la cause.
En effet, la numérisation de nos modes de vie – loin du fantasme de la dématérialisation – a un impact excessivement concret sur les milieux, les ressources, les êtres humains, les êtres non-humains, et c’est cet impact doit être pris pour ce qu’il est : mortifère. Alors que la raréfaction des ressources est de plus en plus évidente, et que nous sommes, de l’aveu même du gouvernement, entrés dans une « guerre de l’eau » (source), notre collectif dénonce l’accaparement des ressources par les industriels de l’électronique.
Il y en effet une inadéquation entre un tel chantier et des enjeux autrement plus importants : d’une part la finitude des ressources (eau, énergie, terres rares) et d’autre part l’utilité sociale réelle de ces semi-conducteurs. Nous posons la question du « toujours plus » : quels intérêts servent ces puces utilisées dans la 5G, le matériel militaire, l’intelligence artificielle, la voiture autonome ? Une société plus écologique, plus égalitaire et moins obsédée par la croissance du PIB n’aurait pas besoin de ces gadgets. C’est tout un modèle de production et de consommation qui est à revoir (et à renverser) : la croissance capitaliste et le mode de vie connecté.
Nous pensons que les dommages environnementaux que l’industrie des semi-conducteurs n’est pas due à une mauvaise gestion, mais que les puces électroniques impliquent intrinsèquement le pillage des terres rares de la planète entière, le saccage des territoires, la consommation et la pollution de volumes phénoménaux d’eau. On ne peut pas réclamer un numérique « propre », « durable » ou « éthique ». Se battre contre le capitalisme,
c’est s’opposer à l’industrie électronique (comme nous l’expliquons ici.
L’heure est à la prise de conscience environnementale et sociale. Partout en France des associations, des collectifs et des individus se soulèvent contre le pillage de la Terre et le renforcement d’un monde inégalitaire. Alors : ces 2,9 milliards d’euros ne seraient-ils pas mieux employés à financer le système des retraites par exemple ? Avons-nous besoin de plus de puces électroniques, ou de reconquérir notre autonomie face à un mode de vie industriel et connecté qu’on nous impose ? La ressource en eau est-elle inépuisable ?
Prenons-nous en aux responsables locaux de la canicule et de la sécheresse, aux promoteurs du « mode de vie connecté ».
3. La lutte a-t-elle porté des fruits ?
Il est toujours difficile de juger des effets qu’une lutte produit, et de démêler ce qui est de l’ordre d’autres facteurs et de son action propre. On peut cependant mettre à notre crédit plusieurs effets.
La contestation est connue à Grenoble et ses habitant·es sont désormais informé·es des enjeux, de même que les salarié·es des usines. Les deux entreprises, qui ont toujours œuvré sans aucune contestation, savent maintenant qu’elles doivent prendre plus de précautions et mettre plus de formes à leurs mouvements. Elles communiquent abondamment ces derniers mois auprès de leurs salarié·es sur les efforts fournis pour économiser l’eau (une préoccupation que ces entreprises n’avaient jamais eue auparavant). Entre la première étude d’impact (en 2022) et la seconde (en 2024), l’industriel a revu largement à la baisse ses prévisions de consommation d’eau et à prévu la mise en place d’un procédé de réutilisation d’eau appelé « Reclaim », allant jusqu’à affirmer que la consommation du site allait… diminuer !
En outre, le rapport de force que nous avons imposé oblige l’État à respecter certaines procédures dites « démocratiques » telles que les concertations préalables. Quoique produisant un fort son de pipeau, ces concertations constituent une épine dans les projets des industriels. Elles leur font perdre du temps, les obligent à constituer des dossiers plus solides que d’habitude, et permettent de faire fuiter des informations sur lesquelles nous nous appuyons pour lutter. L’exemple de la concertation sur l’agrandissement de Soitec (en cours à l’heure où nous écrivons) est éclairant : alors que l’entreprise comptait se cacher derrière la Communauté de communes et Isère Aménagement, porteurs d’un simple « projet d’extension d’une zone activité économique », le collectif STopMicro a imposé que Soitec soit reconnu comme co-porteur du projet. Ce qui déclencha, quelques mois plus tard, le retrait de l’industriel, vraisemblablement gêné de la visibilité inhabituelle accordée à ses projets. La peur des « dommages réputationnels » l’amena à annoncer la suspension de ses projets d’agrandissement. Alors que le projet d’agrandissement de la zone d’activité économique est, lui, toujours d’actualité, nous comptons tout mettre en œuvre pour annuler ces deux projets (qui n’en forment en réalité qu’un seul).
4. Est-il possible de rejoindre le collectif ?
Oui ! Notre collectif va continuer son travail d’information et de mobilisation. Informer sur l’eau potable que consomment ces usines, sur les dérogations dont elles bénéficient, sur leurs impacts environnementaux et les nuisances qu’elles génèrent, sur les usages de cette production, sur les liens avec l’industrie de guerre, sur les collusions et les conflits d’intérêt entre élu-es locaux-les et industriels, sur l’évasion fiscale de ces grandes firmes et la pluie de subventions publiques dont elles bénéficient malgré tout.
Nous avons besoin de l’énergie de tous et toutes : le collectif est ouvert ! Nous nous réunissons les mercredi soirs, tous les 15 jours, sur Grenoble. Le collectif fonctionne en diverses commissions que vous êtes libres d’investir en fonction de votre temps, de vos idées et de vos envies : envoyez-nous un message si vous voulez nous rejoindre.
5. Et si je ne veux pas m’engager, mais que je suis intéressé-e pour être tenu-e informé-e de vos actions ?
Pas de problème : écrivez-nous un message, nous vous abonnerons à notre liste de diffusion. Vous serez alors informé-e de notre actualité.