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De l'eau, pas des puces !
De Berlin à Bernin : techno locale, saccage global !
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STMicroelectronics et Soitec, nos chantres locaux du ravage écologique clament à qui veut bien l’entendre qu’il faut produire plus et donc agrandir : pour les emplois, pour la transition, pour la souveraineté, en jouant parfois la carte de la petite entreprise locale. Tout un tas d’incantations propagandistes dont on a déjà parlé dans d’autres textes1. Quand ce n’est pas pour une brosse à dents connectée ou un missile russe, nos industriels ont un autre client connu pour ses méfaits: Tesla, dont une usine en cours d’extension autour de Berlin rencontre en ce moment même une opposition militante bien déterminée. Ce dernier est en effet le troisième plus gros client de STMicroelectronics (derrière Apple et Mobileye)2.

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A quoi carbure la Tesla ?

Qu’est ce qui permet à nos industriels « locaux » de travailler avec le groupe d’Elon Musk ?

Une nouvelle technologie qui répond au doux nom de carbure de silicium (SiC), le nouveau substrat de prédilection pour la construction de composants électroniques de puissance (chargeurs, batteries, moteurs, convertisseurs…) plus performant par rapport au substrat traditionnel de silicium.

Pour les véhicules électriques il permet en effet de gagner 10 à 15 % d’autonomie, de recharger deux fois plus vite la batterie et d’optimiser le coût total de la chaîne de traction électrique. Tesla a été le premier à l’adopter en 2017, se fournissant en composants auprès de STMicroelectronics, projetant ce dernier au rang de numéro un mondial de ce type de composants. Tous les constructeurs du juteux marché de l’automobile l’inscrivent aujourd’hui dans leur feuille de route d’électrification.

Soitec n’est pas en reste dans l’affaire. Au cœur de sa dernière extension, Bernin 4, l’industriel a mis en place un nouveau procédé permettant de produire du carbure de silicium plus facilement, le « SmartSIC ». Son objectif est d’imposer le SmartSiC dans 30 % de véhicules électriques écoulés en 20303.

Cinq extensions pour une lune de miel

Qui va acheter cette nouvelle technologie issue de la dernière extension de Soitec ?

STMicroelectronics bien sûr ! Celle-ci compte mettre en production ce substrat de carbure de silicium made in Soitec, au second semestre 2024, à Catane, en Sicile, dans une nouvelle « Megafab » à 5 milliards d’euros4, ainsi qu’en Chine à Chongqing, dans une nouvelle usine de composants en carbure de silicium créée avec Sanan Optoelectronics5.

Mais STMicroelectronics est loin d’être le seul intéressé ! Infineon Technologies, son principal concurrent, est pressenti pour être le deuxième acheteur de Soitec6, et compte lui construire « la plus grande fab SiC de 200 mm au monde » en agrandissant son usine de Kulim en Malaisie7.

Et si tous les principaux fournisseurs de composants s’agrandissent, leur acheteur Tesla n’a pas de raison de ne pas le faire ! Ce dernier a récemment inauguré sa nouvelle « gigafactory » européenne proche de Berlin à Grünheide, puis a obtenu l’autorisation de l’agrandir et vise dans ses plus grands rêves la production de 1 million de SUV électriques par an et 100 gigawattheures de batteries8.

De l’eau, pas des SUV électriques

On le sait bien à Grenoble, une extension d’usine ne se fait pas sans casser des œufs. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y a un air de déjà-vu du côté de nos voisins allemands.

La Gigafactory de Tesla s’est faite au prix de 92 hectares de forêt 9 auxquels viendront s’ajouter 50 nouveaux hectares avec l’extension10, pour un site d’une superficie totale d’environ 400 hectares11 (la taille d’Eybens…).

Avant son extension, sa consommation annuelle maximale est de 1,4 million de mètres cubes d’eau, ce qui correspond aux besoins d’une ville de 40 000 habitants, et risque de dépasser les capacités d’approvisionnement de la commune, dans une région qui souffre depuis plusieurs années de la sécheresse liée au réchauffement climatique. Face à ça, Elon Musk compte bien accaparer les ressources d’une autre nappe phréatique12.

Sont aussi pointés du doigt les produits chimiques et les nitrates qui resteront dans les sols, et les risques que fait peser l’usine sur la potabilité de l’eau.

En Allemagne aussi, tout ceci se fait via une parodie de démocratie : un référendum local s’est opposé à 65 % contre l’extension de l’usine13, mais ce dernier avait uniquement vocation consultative. Les syndicats non plus ne sont pas les bienvenus : l’entreprise adopte des politiques résolument antisyndicales, leur richissime patron étant « en désaccord avec l’idée de syndicats ».14 On se demande bien pourquoi.

Couper le robinet aux industries mortifères

Face à cet industriel, la contestation s’organise ! Les mobilisations locales prennent désormais différentes formes. Le syndicat IG Metall conduit une bataille depuis deux ans pour obtenir une convention collective et de meilleures conditions de travail (un peu de décence face aux 56 milliards de dollars demandé par Musk pour sa rémunération personnel15). Une occupation de forêt s’est installée dans les arbres menacéset résiste aux évacuations de la police.

En Mars l’incendie d’un pylône d’une ligne haute tension a mit a l’arrêt l’usine pendant plusieurs jours et causé des centaines de millions d’euros de pertes16. En mai, 800 personnes ont tenté d’envahir l’usine en participant à l’évènement Disrupt Tesla17.

Le faux dilemme de la production locale

Non, Soitec et STMicroelectronics ne sont donc pas de petits industriels locaux qui nous permettraient de produire localement des puces à la douce eau des montagnes pour décarboner le vélo électrique d’Eric Piolle. Les extensions des usines grenobloises servent des intérêts capitalistes mondiaux, et permettent d’approvisionner d’autres industriels aux quatre coins du globe avec leur lot de ravages écologiques et de mépris social et démocratique. La recherche grenobloise sert au développement de nouveaux procédés baissant les coûts de production d’autres industriels et permettant d’intensifier et de banaliser des technologies inutiles, extractivistes, polluantes et voraces en eau et en énergie, se cachant derrière des arguments techno-solutionnistes.

Luttons contre ces extensions.

De Bernin à Berlin, de Grenoble à Grünheide, coupons-leur le robinet !

Collectif STopMicro, 25 mai 2024

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