STopMicro38
De l'eau, pas des puces !
Life.augmented / Death.augmented
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À quoi servent les puces fabriquées par STMicroelectronics et Soitec ?

« Nous créons des technologies pour un monde durable,
Nous donnons la priorité à l’humain et à la planète,
Nous générons de la valeur à long terme pour toutes les parties prenantes. Ensemble, accélérons le développement durable. »
Jean-Marc Chéry, directeur de ST Crolles, 20211.

« Nous sommes le terreau innovant de technologies intelligentes et économes en énergie, qui transforment durablement nos vies quotidiennes. »
Soitec, 20232.

À en croire la poésie de STMicroelectronics et de sa voisine Soitec, avec le numérique, on serait en route vers une transition écologique visant à remplacer notre consommation de ressources fossiles (pétrole, charbon) par des énergies renouvelables, d’où sans doute le slogan de STMicroelectronics : « life.augmented ». Quant aux responsables de la Communauté de communes du Grésivaudan, ils expliquaient en mai dernier que les semi-conducteurs fabriqués dans le Grésivaudan servaient « pour les IRM »3. Ce serait donc ça, le rôle des semi-conducteurs produits par ST et Soitec ? Ce serait pour construire un monde post-carbone et pour le secteur médical que ST est en train de tripler la taille du site de Crolles et que Soitec vient d’inaugurer un nouveau bâtiment (Bernin 4)4, et se prépare à agrandir encore la taille totale de son site de 50 % dans les mois à venir5 ?

Pour éclairer ce débat, nous proposons une analyse concrète. Que fabrique-t-on à Crolles et à Bernin ? À quels secteurs et à quelles entreprises les micro et nanotechnologies du Grésivaudan sont-elles destinées ? Qu’est-ce qui justifie en bout de chaîne une telle consommation d’eau, de terres agricoles, de métaux et de matières premières ? S’agit-il vraiment d’IRM ? Cette enquête est appuyée sur des sources, toutes disponibles dans les notes, auxquelles vous pouvez vous référer pour approfondir certains sujets. Bonne lecture.

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On fabrique des puces

Chez ST comme chez Soitec, on fabrique des semi-conducteurs. Plus précisément, des plaques de silicium (ou « wafers ») très fines, de 200 ou 300mm de diamètre, sur lesquelles sont gravés puis découpés les circuits de composants électroniques, les puces (« chips »).

D’abord, ST. On qualifie l’usine de STMicroelectronics Crolles de « fonderie » : on y fabrique matériellement les semi-conducteurs, le travail de conception étant quant à lui du ressort du centre de recherche de ST situé sur la Presqu’île de Grenoble. Le marché de la fonderie de semi-conducteurs est segmenté en fonction de la finesse de gravure des puces ; mais on y reviendra. Le site de Crolles fabrique des milliers de wafers chaque année. C’est l’une des plus grosses usines de puces électroniques d’Europe6.

Soitec est quant à elle une entreprise spécialisée en silicium sur isolant : des puces spéciales, qui ne sont pas gravées sur des plaques de silicium « massives », mais sur des plaques « isolées ». C’est à dire qu’un isolant est intercalé entre les tranches de silicium qui constituent le wafer. De cette technologie appelée « SOI » résulte une amélioration allant jusqu’à 15 % des performances des puces, et une réduction de 20% de leur consommation énergétique par rapport aux puces conventionnelles en silicium massif… même si le coût de production est supérieur de 10%7. Attention : quand on parle de « réduction de la consommation énergétique », il s’agit d’un gain de performance de la puce elle-même : le procédé de fabrication lui-même n’est par contre pas économe en énergie – au contraire (la technologie SiC, l’un des produits de Soitec, est très gourmande en électricité et nécessite des fours qui montent à 2400°C8). Soitec est leader dans son domaine, avec 80 % du marché mondial du SOI9. Soitec est donc une entreprise beaucoup plus petite que ST, mais très stratégique.

Si ST est située sur la commune de Crolles et Soitec sur celle de Bernin, les deux usines sont en réalité voisines, distantes de quelques centaines de mètres seulement. Il ne s’agit pas d’une coïncidence, les deux entreprises ont le point commun d’être des start-ups issues du CEA-Leti, un laboratoire de recherche publique10. Fondé en 1967, le CEA-Leti est en fait plus qu’un simple laboratoire, c’est « l’un des principaux centres de recherche appliquée en microélectronique et nanotechnologies dans le monde11 ». Son ancien directeur, Jean Therme, ensuite devenu directeur du CEA Grenoble, a été dans les années 2000 une personnalité influente de Grenoble, une sorte de « maire bis ». Comme le disait Geneviève Fioraso, à l’époque adjointe à l’économie (et devenue ensuite ministre de l’enseignement supérieur) : « Le directeur du CEA [Jean Therme] nous fait courir, mais nous suivons12. » Jean Therme a été à l’initiative de Minatec, le « premier pôle européen de recherche en micro et nanotechnologies », à l’époque fortement contesté par un regroupement d’opposants13. On verra que les choix impulsés par Jean Therme vers les nanotechnologies sont structurants et expliquent ce qui se fabrique aujourd’hui encore dans les usines du Grésivaudan.

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En Isère, des puces grossières… mais particulières !

Le marché mondial des puces, c’est d’une part celui de leur conception, de leur architecture ; et d’autre part celui de leur fabrication, appelée aussi fonderie.

Le marché de la conception des puces est majoritairement étatsunien, à près de 50 %. Suivent ensuite la Corée du Sud (20 %), le Japon, l’Europe, la Chine et Taïwan14. En effet, « les États-Unis jouent un rôle ultradominant dans les étapes amont de la chaîne de valeur (R&D, conception, production de logiciel de design) et dans la commercialisation (…), ce qui leur permet de produire 38 % de la valeur ajoutée mondiale du secteur15 ».

Si les entreprises STMicroelectronics (STM) et Soitec font partie des deux secteurs (conception et fabrication), les usines de Crolles et de Bernin sont, elles, concentrées sur la fabrication. Le secteur de la fonderie, en croissance constante, représentait un marché annuel de 1000 milliards de puces en 202016, puis de 1150 milliards en 2021. Il est dominé par le Taïwanais TSMC (54 %)17. Les États-Unis, qui produisaient 37 % des semi-conducteurs en 1990, n’en produisaient plus que 12 % en 202018. Quant à l’Union européenne, elle ne produit que 10 % des puces, et est donc très dépendante de l’Asie du sud-est. Ces dernières années, les tensions géopolitiques avec la Chine et les difficultés d’approvisionnement liées au Covid ont servi d’électrochoc : l’Union européenne s’est brusquement rendue compte de sa dépendance. Elle a donc lancé le European Chips Act, un plan d’investissement de 43 milliards d’euros publics et privés pour développer la fonderie de puces en Europe19. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les agrandissements de ST à Crolles et de Soitec à Bernin20.

Notons une précision qui s’avérera importante pour la suite. Le marché des puces se répartit lui-même en deux familles : primo, les puces « avancées » à la gravure fine de moins de 7 nanomètres, et secundo, les puces moins avancées, gravées à plusieurs dizaines de nanomètres. Les premières, plus coûteuses, permettent un compromis puissance de calcul / consommation, et sont destinées notamment aux marchés des smartphones, des ordinateurs, des centres de données et de l’IA (des secteurs qui demandent d’importantes capacités de calcul des processeurs). Les secondes, moins chères, sont plutôt destinées aux marchés ne nécessitant pas de processeurs avec des capacités de calcul et de mémoire énormes, comme l’internet des objets et l’automobile.

Lancée dans une perpétuelle course à l’innovation, l’industrie a de plus en plus besoin de miniaturiser les puces pour atteindre des performances inédites et pour baisser leur coût de production – ce qui, paradoxalement, nécessite des investissements pharaoniques. Concrètement, à l’heure actuelle, c’est le Taïwanais TSMC qui fabrique 92 % des semi-conducteurs les plus avancés, le Coréen Samsung produisant les 8 % restants21. STM a un tel retard technologique que l’entreprise ne peut pas envisager de se positionner sur le secteur des semi-conducteurs avancés22. C’est également le cas pour toute l’Europe : dans le Chips Act, seuls 750 millions d’euros (sur 43 milliards) sont consacrés à la recherche sur les puces extrêmement fines, à la gravure inférieure à 1 nm23, et le Chips Act se concentre majoritairement sur les puces de 20 à 65 nm24, c’est à dire sur les productions comme celles de Soitec (10 à 65 nm25) ou de ST (18 nm au plus fin26). Ainsi, l’un des produits phares de ST, le contrôleur STM32 est majoritairement gravé en 90 nm (certains en 40 nm)27. Quant à la gravure de puces FD-SOI, elle ne descend pas en dessous de 28 nm28. On est donc loin des semi-conducteurs « avancés » de TSMC.

Pour « gagner la course de l’innovation » malgré tout, l’Union européenne, STMicroelectronics, Soitec et le CEA ont un plan : renforcer les filières qu’ils maîtrisent, et changer la conception des puces. C’est l’approche appelée « More than Moore », qui s’oppose à l’approche traditionnelle, dite « More Moore29 ». Développons cela un petit peu.

« More Moore », « More Than Moore » : ces appellations font référence à la « loi de Moore » qui postule que le développement de la microélectronique permet un doublement, tous les deux ans, du nombre de transistors sur une puce de même surface. Énoncée dans les années 1960, cette loi a jusqu’ici démontré sa pertinence. Néanmoins, depuis une quinzaine d’années, depuis que la finesse de gravure est passée sous le seuil des 90 nm, les industriels ont de plus en plus de mal à tenir le rythme de la miniaturisation. Les lois de la physique font qu’on est peut-être en train d’atteindre une limite, appelée « The Wall », au-delà de laquelle le comportement du transistor obéit non plus à la physique traditionnelle, mais aux règles de la physique quantique.

C’est pourquoi « plutôt que de suivre la voie du ‘‘More Moore’’, qui vise au rétrécissement continu des nœuds [c’est-à-dire de la finesse de gravure], dans laquelle les industriels taïwanais et coréens ont investi massivement pour produire des puces les plus avancées, les recherches du Leti s’inscrivent dans une démarche de ‘‘More than Moore’’ qui vise à réduire la consommation énergétique et étendre les capacités des puces aux nœuds matures30 ». On ne table pas sur la miniaturisation, la course à la finesse de gravure (perdue d’avance à cause des investissements colossaux nécessaires31), mais sur d’autres pistes : « changer de matériaux, d’architecture de circuit, de méthode de conception, etc.32 ».

Le CEA-Leti grenoblois assume cette méthode. « Nous adoptons depuis plus de 20 ans [cette position], à l’instar d’autres leaders européens de la microélectronique, parmi lesquels le franco-italien STMicroelectronics, le néerlandais NXP ou l’allemand Infineon33. » C’est dans cette perspective que le CEA et Jean Therme ont lancé Minatec en 2006 : développer les nanotechnologies et la rupture, plutôt que chercher à poursuivre la miniaturisation. C’est la stratégie privilégiée par Soitec. « L’Europe représente ainsi 40 % du marché ‘‘More than Moore’’. Elle compte par ailleurs plusieurs champions, comme Soitec, leader mondial des substrats SOI présents dans les composants radiofréquences de tous les smartphones de la planète34. »

En effet, pour le CEA-Leti, la technologie FD-SOI (qu’il a développée et qui est commercialisée par Soitec) « permet une consommation énergétique optimisée (avec une économie d’énergie de 30 % par rapport aux autres technologies) […]. [Elle] est extrêmement intéressante pour les marchés ‘‘embarqués’’, c’est-à-dire l’électronique présente dans les objets connectés, les voitures autonomes, l’électronique nomade, etc. Des haut-parleurs ou des puces GPS en sont désormais équipés. Le FD-SOI alimente également les smartphones, comme le dernier pixel 6 Pro de Google. Industrialisé par STMicroelectronics, il est aussi vendu par de grandes entreprises comme Samsung et GlobalFoundries. Le FD-SOI est actuellement produit en 28 nm et 22 nm et sera bientôt disponible en 18 nm35 ».

C’est bien le rôle dévolu à l’agrandissement de STMicoelectronics : industrialiser la production des puces FD-SOI conceptualisées par Soitec36. En effet, STMicroelectronics et Soitec ont annoncé en décembre dernier « leur coopération dans la technologie de fabrication de substrats [plaques] en carbure de silicium37 ». Concrètement, cela signifie que ST s’occupera de l’industrialisation des puces conçues par Soitec. Un « développement de filière » qui se fait en concertation avec le CEA et le gouvernement38.

C’est donc cela qu’on fabrique à Crolles et à Bernin : des semi-conducteurs, dont la finesse ne descend guère en dessous de 18 nm39, mais qui cherchent à se placer sur un autre terrain que celui des semi-conducteurs classiques. Cette histoire, et notamment la collaboration ST-Soitec, nous apprend également que les agrandissements de ST et de Soitec, quoique traités séparément par les enquêtes publiques, sont en fait les conséquences des mêmes choix stratégiques, faits à l’échelle locale (par le CEA) et européenne (par l’UE). Des choix – rappelons-le – contestés de longue date par une partie des habitants du Grésivaudan, lassés de servir de « substrat » à la course mondiale à l’innovation et à la puissance40 : une fuite en avant déjà dénoncée lors de la contestation de Minatec en 2006.

Mais il faut maintenant nous poser une autre question : à qui servent les puces du Grésivaudan ? Est-ce réellement à la « transition écologique » ?

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On fabrique des puces pour l’« internet des objets », les voitures électriques et les militaires

On saura plus tard, en 2050 paraît-il41, si le pari « quantique » et « nano » fait par le CEA et l’Europe était le bon pour « gagner la guerre de l’innovation ». Une guerre dont pour l’instant, nous faisons les frais (cf. la faramineuse consommation d’eau des industriels de l’électronique du Grésivaudan), une guerre qui emporte toutes les populations du monde dans sa course folle (en en écrasant quelques-unes au passage – salut aux Chinois·es des usines Foxconn42 et aux Ghanéen·nes des poubelles de l’électronique43). Reste qu’en attendant 2050… le marché des semi-conducteurs est dominé par TSMC et que l’agrandissement de ST vise aussi à « faire du chiffre » ! C’est-à-dire à augmenter les capacités de production en semi-conducteurs, car on en consomme de plus en plus. Et puisqu’on en met de partout, il semble intéressant de savoir à quels usages servent les puces fabriquées dans le Grésivaudan – sinon il faudra croire sur parole les élus de la Communauté de communes du Grésivaudan ou le directeur de ST : applications médicales et transition écologique. Debunkage.

Déjà, à quoi servent les puces produites à ST et Soitec ? Commençons par voir ce qu’en dit le ministère de l’Économie, qui explique que l’agrandissement de STMicroelectronics « permettra ainsi de développer fortement l’écosystème technologique FD-SOI français […] pour les principaux secteurs industriels européens (automobile, industrie, télécommunications pour la 5G/6G, IoT [Internet des objets], spatial…)44 ». Le directeur de ST confirme : « nos clients européens et internationaux [sont] présents sur des marchés finaux clés dont l’automobile, l’industriel, l’IoT et les infrastructures de communications45»

Plus globalement, quand dans sa Déclaration environnementale 202146, ST fait une liste de domaines dactivité pour les produits de Crolles, on y retrouve les secteurs 5G, IA, internet des objets, automatisation… ou quand Soitec communique sur ses domaines d’application (internet des objets, reconnaissance vocale, maison intelligente, GPS intelligent, smart city47), le médical n’y figure pas : au temps pour les IRM.

Rencontré sur le marché de Crolles, un cadre de ST estime la répartition des productions crolloises de la façon suivante : 40 % pour l’automobile, 30 % pour la reconnaissance faciale (téléphone) et 30 % dans les objets (capteurs, contrôleurs). La même Déclaration environnementale de ST mentionne également « les imageurs diversifiés (capteurs de proximité, temps de vol, capteur 3D) dont l’utilisation dans des produits ‘‘grand public’’ continue de se développer en 2018, en particulier dans le secteur des smartphones (applications : autofocus et systèmes de positionnement très performants) », et « les microcontrôleurs avec mémoires non volatiles embarquées qui représentaient en fin d’année 2018 plus de 40 % de la charge de production de Crolles 300 mm, notamment en technologie 90 nm. Ces produits servent des marchés très diversifiés qui vont de la sécurité, à l’électronique grand public, à l’automobile et à l’industrie ». Un ancien salarié de ST Grenoble témoigne : « [Les microcontrôleurs] ça va partout, des aspirateurs aux drones militaires en passant par les téléphones48. » En effet, les processeurs fabriqués par ST se divisent en plusieurs usages. Parmi les produits phares de ST, les STM32 sont utilisés dans les applications les plus diverses (multimédia, électroménager, drones, tracteurs...). Leur prix public varie de quelques euros à plusieurs dizaines d’euros en 202349. On distingue une autre famille aux applications plus miniaturisées et spécifiques : les ST21, 25, 33, 54, qui peuvent servir dans la fabrication de Cartes SIM, puces NFC (near field communication). Par exemple, un paiement sans contact avec une CB ou téléphone se base sur la NFC pour échanger des données. Ces puces intègrent des fonctions de chiffrement, ou de cryptographie pour échanger des données bancaires ou biométriques50. Enfin, la gamme STM8 propose des microcontrôleurs à très faible coût avec un minimum de mémoire, d’instruction, fréquence de calcul faible et très faible consommation. Mais, au-delà des micro-processeurs, on trouve une large quincaillerie destinée aux marchés de l’électronique embarquée, automobile, RF (téléphonie / radio) ou aérospatiale. ST propose pour ces diverses familles de composants des produits conformes aux exigences aérospatiales (par exemple la certification RHA qui certifie la résistance des composants face aux radiations ionisantes dans l’espace). C’est ainsi qu’on trouve des composants pour la gestion des alimentations des circuits (AC/DC, DC/DC, transistors pour la gestion d’alimentation basse tension).

Ainsi, on sait que ST fabrique des puces pour les stations terrestres des satellites Starlink d’Elon Musk51,ainsi que celles de la console de jeu Switch52. Par ailleurs, ST développe des activités en direction de l’industrialisation de l’agriculture, le « smart farming ». Quatre grands domaines d’application sont concernés : le suivi des produits agricoles, les tracteurs, l’irrigation et des produits de géolocalisation et de suivi de santé du bétail53. Dans sa communication interne, l’entreprise se vante de sa participation au « système d’élevage intelligent » (smart herding system) de HALTER, « qui contrôle les mouvements des troupeaux tout en fournissant à tout moment l’état des santé des animaux54 ». Nous vous recommandons le spot de pub de Halter, visible sur internet55 !

Le monde entier attendait certaines innovations. C’est à se demander comment nous avons pu vivre jusqu’à maintenant sans utiliser ces produits, qui ont tous le point communs d’utiliser des composants fabriqués par ST (ce dont cette dernière se vante). Ainsi de la « bouteille d’eau connectée » de la plateforme water.io (VL53L3CX et LSM6DSLTR). De la tondeuse à gazon automatique STIL iMOW® 7 qui « donne aux particuliers comme aux professionnels la technologie et les performances dont ils ont besoin pour mieux tirer avantage de leurs moments à l’extérieur ». De la machine à épiler Jmoon de Ulike (ST25DV04K et IR6C3) ; du collier pour animaux géo-localisé par GPS Kippy EVOS ; de la montre connectée solaires Garmin Forerunner 955 ; du stylo digital Wacom, le Halo View de Halo ; du bracelet pour le fitness au « design excitant » qui mesure les performance de l’utilisateur·ice. Très utile si vous stockez des palettes à plus de 15 mètres de hauteur, le « drone d’inventaire » EYESEE’s également équipé par ST permet de scanner des codes-barres sur ces palettes56. Pratique !

Côté médical, mentionnons la seringue connectée NP Plastibell (ST25TV) et le stéthoscope connecté StethoMe®, « une application révolutionnaire et sans fil, combinée avec une application et des algorithmes d’intelligence artificielle qui aide les médecins à diagnostiquer des maladies respiratoires comme les bronchites, l’asthme57 ». Lors d’une réunion publique récente, le directeur du site de Crolles se vantait également de la participation de STMicroelectronics (en partenariat avec le CEA et Minatec) aux exosquelettes à destination des tétraplégiques58. Précisons que même dans la com’ interne de ST, le côté médical représente environ 5 % des produits présentés.

Dans le domaine de l’automobile, ST équipe entre autres le SUV électrique XPENG G9, le body controller module du SUV électrique Avatar 11 (ce genre de module contrôle généralement les vitres électriques, les rétroviseurs électriques, l’air conditionné, le système de freinage, le verrouillage centralisé…), ou le système de surveillance de conduite (qui surveille le mouvement des yeux de la personne qui conduit la voiture, pour éviter qu’elle ne s’endorme) 1-LED de l’entreprise Smart Eye (VB56G4A). Quant aux vélos électriques Giant Ridedash Evo et Ridecontrol Ergo 2, ils bénéficient des produits de ST pour leur batterie et leurs accessoires59. Les smartphones Xiaomi Mi 12 et 13 Ultra et les ordinateurs Samsung Galaxy Fold 4 et Flip 4, ou Lenovo Thinkpad X1 Fold Gen 2, utilisent les contrôleurs de ST, C’est également vrai du Google Pixel 7 (qui utilise le ST54K pour sa batterie (à la « longévité exceptionnelle ») et ses capteurs d’images60. De manière générale, il faut noter qu’Apple est un très gros client de STMicroelectronics Crolles (à titre d’exemple, Apple représentait il y a quelques années environ 50 % de la production de la partie 200 mm du site de Crolles61).

Quant à Soitec, son activité repose sur trois divisions : communication mobile (64 % du chiffre d’affaires), automobile & industrie (19 %), objets intelligents (17 %)62.Wikipédia l’explique : les matériaux SOI « sont utilisés pour la fabrication des puces qui équipent les smartphones, les tablettes, les ordinateurs, les serveurs informatiques ou les centres de données. On les retrouve aussi dans les composants électroniques présents dans les automobiles, les objets connectés (internet des objets), les équipements industriels et médicaux63 ».

Ouf, on a eu in extremis le mot « médical » ! Si « les smartphones ont été le principal moteur de Soitec ces dix dernières années [et] devraient le rester sur le long terme64 », l’automobile n’est pas en reste : la raison d’être de l’agrandissement de Soitec qui a été inauguré en septembre, c’est la croissance du marché des voitures électriques. La nouvelle usine Bernin4 « financé[e] à hauteur de 380 millions d’euros, dont 30 % d’aides publiques de l’Union européenne, de l’État et des collectivités territoriales65 » sera en effet consacrée à « son innovation Smart SIC, dédiée au marché des véhicules électriques. Promettant un gain de 15 % d’autonomie, pour un temps de recharge très court66 ». C’est également la hausse du marché de l’automobile électrique qui justifie la construction de l’unité commune ST/Soitec. Ainsi, le FD-SOI gravé en 28 nm par ST sert à produire des gammes de microcontrôleurs dédiés à l’industrie de l’automobile (SPC5, ST10, Stellar-32 bit)67.

Pour bien comprendre, jetons un œil à deux des domaines d’application : l’internet des objets et le militaire.

Internet des objets : la « life.augmented68 »

Intéressons-nous d’abord à cet acronyme étrange, « IoT », pour « Internet of things » : l’internet des objets. On reste perplexe. À quoi peut bien servir « internet » pour les « objets » ? C’est simple, écoutons ST faire la promotion de la smart city : « ST permet une conduite plus intelligente et des maisons, des usines et des villes plus intelligentes, ainsi que la prochaine génération d’appareils mobiles et de l’internet des objets. Conduite intelligente : plus sûre, plus verte, plus connectée69. » L’internet des objets, la « transition » à la sauce ST, c’est la promotion de la voiture autonome, présentée comme « plus sûre » et « plus verte ». « La conduite est plus sûre grâce à nos produits ADAS (Advanced Driver Assistance Systems) – vision, radar, imagerie et capteurs, ainsi que nos systèmes d’éclairage adaptatif et nos technologies d’affichage utilisateur70. » La promotion de la vie connectée : « Notre vie quotidienne en tant qu’individus bénéficie des « objets intelligents » que nous transportons et utilisons couramment. ST est l’un des principaux fournisseurs d’un grand nombre de technologies clés destinées aux prochaines générations d’appareils grand public : Microcontrôleurs pour le traitement à faible et très faible consommation, solutions sécurisées, capteurs et actionneurs, connectivité, conditionnement et protection, commande de moteur, et gestion de l’énergie et de la puissance71. » C’est la promotion de la « Quatrième révolution industrielle » : « ST fournit également des technologies qui permettent à l’industrie manufacturière et à d’autres secteurs industriels d’améliorer leur efficacité, leur flexibilité et leur sécurité grâce à l’automatisation et à la robotique ce que nous appelons l’industrie intelligente. L’évolution actuelle, souvent qualifiée de « quatrième révolution industrielle », rend les systèmes industriels plus intelligents grâce à l’application combinée d’une large gamme de produits, dont les microcontrôleurs, les capteurs et les actionneurs, la commande de moteurs, le conditionnement de signaux, les solutions de communication industrielle, les solutions sécurisées, les alimentations, les dispositifs de protection, les modules sans fil et les contrôleurs d’affichage et de LED72. »

L’internet des objets, la « transition écologique » technocratique, c’est la smart city, la « vie augmentée » : le contrôle ubiquitaire de toute chose, de tout être, de tout mouvement. La volonté de collecter des données, de les « traiter », pour anticiper, prévoir, en un mot : contrôler.Que ce soit dans le domaine de la production ou dans celui de la vie quotidienne, cette « quatrième révolution industrielle », « intelligente » est l’aspect de la production de ST qui se présente comme post-carbone et lui vaut l’admiration des « écologistes » d’EELV qui rêvent semble-t-il du même monde rempli de capteurs et d’intelligence artificielle73. La critique de l’utopie terrifiante de la « life.augmented » ayant été très bien menée par d’autres, nous renvoyons nos lecteurs à d’instructives lectures74.

L’industrie de l’armement : la « death.augmented »

Au-delà de l’« IoT », il est un marché rarement mentionné par les responsables de ST, et pour cause : c’est celui de l’armement. L’industrie de la « défense » (ou de l’offensive, c’est selon l’acheteur) est pourtant un client majeur de STMicroelectronics. On estime que 18 % des investissements européens dans l’électronique visent spécifiquement le marché « aérospatiale, défense, sécurité75 ».

On sait que les puces sont devenues un composant de base de tous les produits industriels, qu’ils soient civils ou militaires. On appelle cela l’innovation « duale » : une innovation qui peut servir aussi bien à des usages militaires qu’à des usages plus anodins. En fait, informatique et puissance militaire sont liées, aussi bien historiquement76 qu’économiquement. C’est un lien essentiel. Comme le rappelle Chris Miller, auteur de Chips War77 : « Il existe un lien direct entre semi-conducteurs et puissance militaire. Le fait que les premières puces aient été utilisées pour des systèmes de guidage de missiles donne une idée de la relation très étroite entre les progrès de la puissance informatique permis par les puces, et les progrès de la puissance militaire – cette dernière ayant souvent financé la recherche pour développer la première. Bien que la plupart des puces produites aujourd’hui soient utilisées à des fins civiles, les grandes armées du monde sont de plus en plus dépendantes aux semi-conducteurs les plus avancés78. »

Ces principes généraux trouvent une application très concrète dans le cas de STMicroelectronics et des entreprises grenobloises. En juin et en septembre 2023, l’Observatoire des armements révélait la présence de composants fabriqués par ST dans du matériel militaire russe79. La Russie utilise en effet des drones Orlan-10 pour guider ses tirs d’artillerie sur le front Ukrainien. Or, « le système de contrôle de vol [des drones Orlan-10], qui permet à l’engin de se maintenir au-dessus de sa cible, fonctionne grâce à un microcontrôleur fabriqué par la société basée en Suisse STMicroelectronics80 ». Il s’agit du microcontrôleur STM32 mentionné précédemment. Les puces de ST sont également présentes dans les radios militaires R-168 radio, dans les missiles de croisière KH101 et dans les drones E95M, Eleron-3SV et KUB-BLA (ce dernier étant un drone kamikiaze)81. Dans un complément d’enquête – encore en cours – le média Blast révélait comment l’entreprise grenobloise Lynred (spécialisée en infrarouge) avait livré des composants à la Russie en 202382. Quand on sait, de source interne, que « pour chaque composant Lynred, il y a une puce STMicro » (Lynred fabrique les puces qui captent les signaux, ST celles qui lisent les signaux)83, on se dit que le cynisme de ces entreprises n’a pas de limites. On se rappellera longtemps du petit sourire en coin d’Éric Gerondeau lorsque, dans une réunion publique à Crolles le 28 septembre dernier, nous dénoncions les ventes d’armes à la Russie. Ces gens n’ont-ils donc pas de morale ?

Mais si les ventes d’armes à la Russie permettent de visibiliser l’absence de morale de ST et de ses homologues, la participation à l’industrie de l’armement, même pour l’autoproclamé « camp du bien » nous semble tout autant condamnable moralement. ST est très discrète dans sa communication au sujet de la « death.augmented », pourtant au cœur de son activité. En effet, comme le rappelait en 2018 le directeur des applications militaires au CEA (CEA-DAM) François Geleznikoff, « les composants électroniques [de STMicroelectronics et Soitec] servent pour la dissuasion [nucléaire]84 ». Pour reprendre les termes de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, « l’innovation stratégique sera duale ou ne sera pas85 ». Amen.

Un point pourra tout de même faire mentir le Sénat : dans certains cas, ST Crolles travaille en effet sur des puces dont les applications ne sont pas duales, mais purement militaires. En effet, ST Crolles est à la tête du consortium de recherche EXCEED86 qui a pour but de développer une puce électronique à usage militaire et de jeter les bases d’une filière européenne de systèmes sur puce (SoC) à usage exclusivement militaire87. Concrètement, il s’agit de concevoir et fabriquer une puce de basse consommation, reconfigurable, sécurisée et capable de travailler dans les conditions extrêmes. Les systèmes sur puce étant une des spécialités de STMicroelectronics, rien d’étonnant à trouver sa filiale à Crolles à la tête du consortium. Le site de Crolles sera chargé de la fabriquer en chaîne de production. Le programme EXCEED a été lancé en octobre 2020 pour une durée de 4 ans et demi88. Il est financé à hauteur de 90 millions d’euros par le Fond de défense européen avec la participation de l’Agence de défense européenne. 19 autres entreprises européennes (dont le fabricant de fusées et satellites Ariane, Safran Electronics & Defense, deux filiales de Thales et le fabricant de missiles MBDA) participent à ce consortium89.

Comme pour ST, chez Soitec, à force de parler de smartphones, d’IoT ou de voitures électriques, on en oublierait l’armement, jamais mentionné par Wikipédia, les articles de L’Usine nouvelle, du Monde, ou – bien-sûr, la com’ de l’entreprise elle-même. Pourtant, pour Soitec l’industrie de la défense est encore plus importante que pour ST. La Direction des affaires militaires (DAM) du CEA est en effet à l’origine de la start-up. Tout vient de la nécessité pour les armes nucléaires de résister à des environnements radiatifs extrêmes. La DAM a eu besoin de créer une nouvelle filière électronique, aux performances énergétiques élevées. « L’idée était d’isoler électriquement les transistors les uns des autres pour les rendre moins sensibles aux courants parasites produits par les rayonnements ionisants. Pour ce faire, en 1974, la DAM a imaginé une solution reposant sur des composants en silicium déposés sur une couche de matériau isolant. De là est née la société Soitec qui développa les filières SOI, puis FD-SOI90. » En effet, « le SOI fut initialement conçu par les équipes du CEA/DAM [Direction des applications militaires] et du CEA/LETI (Laboratoire d’Électronique et de Technologies de l’Information) pour répondre à des besoins très spécifiques des programmes de la dissuasion [nucléaire]. Comparé aux autres technologies des semi-conducteurs d’alors, le SOI permet de réduire très significativement les pertes électriques. Au-delà du concept, la technologie SOI s’est imposée parce qu’en 1991, le CEA/LETI, avec le soutien financier de la DAM a mis au point le procédé IMPROVE, permettant de produire le SOI à des conditions économiques intéressantes. Au-delà de la satisfaction du besoin « Défense », cette technologie a pu être valorisée en 1992 par la création d’une « spin-off » du CEA, la société Soitec91 ». Par la suite, « la filière se révéla très performante en termes de consommation d’énergie, un atout décisif pour les applications mobiles (téléphones portables, montres connectées), car une faible consommation permet d’augmenter l’autonomie. […] La multiplication des dispositifs électroniques à basse consommation, par exemple pour l’Internet des objets, et, plus généralement, la recherche de la performance énergétique ouvrent de vastes perspectives pour cette filière92 ».

On le voit, quand on creuse au-delà de la communication générale de ces entreprises ou de leurs pages Wikipédia, on constate une place importante des usages militaires. Rien d’étonnant pour qui connaît un peu leur matrice, le CEA-Leti. Rappelons qu’ « en octobre 2002 la Délégation générale pour l’armement (DGA) [l’organisme du ministère de la Défense qui a pour mission de préparer l’avenir des systèmes de défense français, d’équiper les forces armées françaises et de promouvoir les exportations de l’industrie française de défense93] et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) signaient une « déclaration d’intention pour une coopération active dans le domaine des composants électroniques », plus particulièrement au sein de Minatec. Objectif : « satisfaire les besoins de la défense pour la veille technologique, l’accès aux technologies civiles les plus avancées et l’acquisition de technologies spécifiques ». La DGA aura accès à l’observatoire des micro et nanotechnologies et à l' »IDEAS LAB », une « structure de réflexion sur les applications des technologies, pour la veille à court-moyen terme et l’évaluation de la menace ». Elle sera associée aux orientations de Minatec, participera au choix des sujets de thèses, aux groupes de réflexion sur l’élaboration des programmes du CEA-LETI et cofinancera certains des programmes de recherche retenus94. » Rien d’étonnant non plus quand on connaît le poids de la Direction des applications militaires (CEA-DAM) au sein du CEA95, ou qu’on sait que l’actuel directeur du CEA- Grenoble (l’un des successeurs de Jean Therme), Bruno Feignier, a rejoint la DAM en 1993, puis occupé « plusieurs postes à responsabilité au sein du centre CEA/DAM-Île de France96 » à partir de 1997. Soitec et ST (tout comme Lynred) ne sont que des rejetons du CEA et, comme tels, héritent de sa stratégie aussi bien que de ses collusions morbides.

Voilà donc à quoi servent les puces de Soitec : en premier lieu à la dissuasion nucléaire, puis dans un second temps (technologies duales obligent) à toute la quincaillerie électronique du XXIème siècle. Du côté de ST, on semble très concentré sur la quincaillerie, mais (technologies duales obligent là encore), le militaire n’est jamais très loin. Un salarié d’un sous-traitant de ST résume la situation : « Techniquement, on fait des trucs de folie mais pour fabriquer de la merde97. »

– 4 –
Pourquoi tant de puces ?

Pour conclure sur le sujet de l’usage des semi-conducteurs fabriqués à Crolles et à Bernin, il faut bien comprendre que l’arrière-plan est une hausse exponentielle de l’utilisation de semi-conducteurs. La demande globale de semi-conducteurs augmente de 15 % par an98. On estime donc que « la demande de puces devrait doubler entre 2022 et 2030, avec une augmentation significative de la demande future de technologies de pointe pour les semi-conducteurs »99 Développement de la 5G, du télétravail, de l’intelligence artificielle, des smartphones (cet objet encore inconnu il y a quinze ans et dont on change de modèle tous les deux ans). « Un smartphone contient 160 semi-conducteurs, une voiture électrique hybride peut en contenir jusqu’à 3 500. »100 Quant à l’internet des objets, « la production d’équipements connectés a augmenté de +60 % par an sur la période 2005-2015101 ». En outre, il y a « l’effet rebond » : l’augmentation de la puissance de calcul, la miniaturisation et l’amélioration des performances nous amènent à consommer toujours plus. Nous avons besoin d’appareils toujours plus puissants. De fait, « aujourd’hui, l’envoi d’un mail nécessite la même puissance de calcul que ce qui nous a permis d’aller sur la Lune ». C’est ainsi que « les nouveaux usages extrêmement gourmands comme les cryptomonnaies ou encore le streaming […] dépassent aujourd’hui les gains énergétiques offerts par la miniaturisation des puces102 ».

Qui plus est, l’UE veut augmenter ses parts sur le marché des semi-conducteurs, actuellement de 10 % : le European Chips Act vise à « mettre en place un cadre visant à porter la capacité de production à 20 % du marché mondial d’ici à 2030103 ». « L’UE devra pour cela quadrupler sa production104. »

L’association de ST et de Soitec dans leur unité commune se justifie car « il est important de réaliser des économies d’échelle à mesure qu’augmentent les volumes de produits105 ». Et en effet, les volumes augmentent, c’est le moins que l’on puisse dire ! Et ce n’est pas fini, nous préviennent les autorités : « la demande et les débouchés commerciaux pour les puces électroniques et les semi-conducteurs devraient augmenter considérablement106 ». C’est cela qui justifie tous les agrandissements des usines de Crolles et de Bernin. L’agrandissement de ST de 1997, depuis le projet « Crolles 2/Alliance » en 2002 jusqu’à la « méga-usine » de ST pour 2025-2028, en passant par la nouvelle usine de Soitec Bernin 4 (inaugurée le 28 septembre dernier par le commissaire européen Thierry Breton et le ministre Rolan Lescure107) et le projet d’agrandissement de 50 % de la zone d’aménagement économique du parc des fontaines de Bernin, qui va passer de 22 à 33 ha d’ici 2030 – de source officielle, cette extension « permettrait à l’entreprise Soitec déjà installée sur la ZAE de Bernin de s’étendre comme elle le projette108 ».

Destruction à marche forcée des terres agricoles, accaparement des ressources en eau, participation du Grésivaudan à la course mondiale à l’innovation et à la fuite en avant technologique… face à tout cela, il faut résister. C’est ce que nous faisons avec le collectif STopMicro. Rejoignez-nous.

Collectif STopMicro, novembre 2023

https://stopmicro38.noblogs.orgstopmicro@riseup.net

2 Soitec, « Rapport financier semestriel 2023-2024, novembre 2023, https://d2za3aw7vtguly.cloudfront.net/production/images/Soitec_Rapport-semestriel_FR_FY24.06.pdf

3 Le vice-président Jean-François Clappaz à l’occasion du rassemblement que nous organisions devant le conseil communautaire à Saint-Ismier, et le président Henri Baile sur France 3.

4 « Semi-conducteurs : Soitec se lance dans la course des véhicules électriques », La Tribune, 29/09/2023, https://region-aura.latribune.fr/strategie/high-tech/2023-09-29/semi-conducteurs-soitec-se-lance-dans-la-course-des-vehicules-electriques-978073.html

5 « Le Grésivaudan : la zone d’activité du Parc des Fontaines sera étendue », L’Essor, 28/12/2022, https://mesinfos.fr/auvergne-rhone-alpes/le-gresivaudan-la-zone-dactivite-du-parc-des-fontaines-sera-etendue-118255.html. Le projet concerne essentiellement Soitec, voir Commission nationale du débat public, 8 novembre 2023, https://www.debatpublic.fr/sites/default/files/2023-11/DECISION_2023_144_ZAE_BERNIN_2%20Sign%C3%A9.pdf

8 Source interne à Soitec.

9 « Semi-conducteurs : Soitec se lance dans la course des véhicules électriques », La Tribune, 29/09/2023, https://region-aura.latribune.fr/strategie/high-tech/2023-09-29/semi-conducteurs-soitec-se-lance-dans-la-course-des-vehicules-electriques-978073.html

10 Groupe Grothendieck, L’université désintégrée, Le monde à l’envers, 2020. Voir aussi Jean-Charles Guibert, « Un grand campus d’innovation technologique : de MINATEC à GIANT », Journal de l’école de Paris de Management n°87, 2011, https://www.cairn.info/revue-le-journal-de-l-ecole-de-paris-du-management-2011-1-page-37.htm

12 Les Échos, 21/01/2008. Lire aussi « Il est gentil Jeannot », Le Postillon, été 2011, https://www.lepostillon.org/%E2%80%AFIl-est-gentil-Jeannot%E2%80%AF.html

13 « L’ouverture du pôle Minatec cristallise la critique des nanotechnologies », Le Monde, 2/06/2006, https://www.lemonde.fr/planete/article/2006/06/02/l-ouverture-du-pole-minatec-cristallise-la-critique-des-nanotechnologies_778953_3244.html. Voir aussi Pièces et main d’œuvre, Aujourd’hui le nanomonde, L’Échappée, 2008.

14 « Qui se partage l’industrie des puces électroniques ? », Statista, 11/04/2023, https://fr.statista.com/infographie/29668/repartition-industrie-semi-conducteurs-valeur-ajoutee-par-pays-region/

15 « Guerre technologique : 10 points sur les semi-conducteurs », Le Grand Continent, 8/11/2023, https://legrandcontinent.eu/fr/2022/11/08/guerre-technologique-10-points-sur-les-semi-conducteurs. Cet article constitue une bonne introduction pour celles et ceux qui ne connaissent rien au sujet.

17 « Guerre technologique : 10 points sur les semi-conducteurs », Le Grand Continent, 8/11/2023, https://legrandcontinent.eu/fr/2022/11/08/guerre-technologique-10-points-sur-les-semi-conducteurs/

18 Idem.

20 « Semi-conducteurs : Soitec se lance dans la course des véhicules électriques », La Tribune, 29/09/2023, https://region-aura.latribune.fr/strategie/high-tech/2023-09-29/semi-conducteurs-soitec-se-lance-dans-la-course-des-vehicules-electriques-978073.html

21 « Technologie : les géants se battent pour des puces », Libération, 30/08/2023, https://www.liberation.fr/international/asie-pacifique/guerre-des-puces-taiwan-chine-et-etats-unis-trois-seigneurs-des-nanos-20230829_TTWWIT6CRNEC3PHKLKLQWXC7LI/ et « Guerre technologique : 10 points sur les semi-conducteurs », Le Grand Continent, 8/11/2023, https://legrandcontinent.eu/fr/2022/11/08/guerre-technologique-10-points-sur-les-semi-conducteurs/

22 « L’idée d’une fonderie avancée de puces en Europe n’a aucun sens, critique un analyste », L’Usine nouvelle, 15/03/2021, https://www.usinenouvelle.com/article/l-idee-d-une-fonderie-avancee-de-puces-en-europe-n-a-aucun-sens-critique-un-analyste.N1070989

23 Arrian Ebrahimi ,« Une politique de recherche française pour la souveraineté technologique européenne », 13/09/2023, https://observatoiredessemi-conducteurs.eu/une-politique-de-recherche-francaise-pour-la-souverainete-technologique-europeenne/. Voir aussi le discours de Thierry Breton au Parlement européen le 11/07/2023, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/speech_23_3811

26 Sources internes. Voir aussi « STMicroelectronics : affiner la gravure », Les Échos, 1/02/2023, https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/stmicroelectronics-affiner-la-gravure-1902558. Voir aussi la rubrique « Outil de production » de https://fr.wikipedia.org/wiki/STMicroelectronics

29 https://www.leti-cea.com/cea-tech/leti/english/Pages/What’s-On/Press%20release/Close-Look-at-Microelectronics-Challenges.aspx, en particulier la partie « More Moore vs. More Than Moore: What avenue is being supported by Europe? ».

30 Arrian Ebrahimi ,« Une politique de recherche française pour la souveraineté technologique européenne », 13/09/2023, https://observatoiredessemi-conducteurs.eu/une-politique-de-recherche-francaise-pour-la-souverainete-technologique-europeenne/

31 « Guerre des puces : Grenoble à la traîne », Le Postillon n°70, automne 2023.

32 « La Loi de Moore est morte, vive More than Moore ! », L’Usine digitale, 25/02/2016, https://www.usine-digitale.fr/article/la-loi-de-moore-est-morte-vive-more-than-moore.N379334

33 https://www.leti-cea.com/cea-tech/leti/english/Pages/What’s-On/Press%20release/Close-Look-at-Microelectronics-Challenges.aspx, en particulier la partie « More Moore vs. More Than Moore: What avenue is being supported by Europe? »

34 Idem.

35 Idem.

39 Pour des gravures plus fines, ST sous-traite. Par exemple en 2021 pour la fabrication d’un microcontrôleur spécialement conçu pour Apple : https://news.metal.com/newscontent/101693510/Samsung-won-the-French-16nm-MCU-outsourcing-order-for-the-next-generation-iPhone/

40 Lire Pièces et main d’oeuvre, Aujourd’hui le nanomonde, L’Échappée, 2008.

41 Emmanuel Macron, « Présentation de la stratégie nationale sur les technologies quantiques », discours à Saclay du 21/01/2021, https://www.elysee.fr/front/pdf/elysee-module-17093-fr.pdf

42 Lire Yang, Jenny Chan, Xu Lizhi, La machine est ton seigneur et ton maître, Agone, 2015.

43 Voir la pièce de théâtre Petit Caillou de la compagnie Peau-Ethique, https://germaliza.wixsite.com/lilizaza/th%C3%A9%C3%A2tre.

45 Minalogic, « GlobalFoundries et STMicroelectronics finalisent l’accord portant sur la nouvelle unité de fabrication de semiconducteurs en 300 mm en France », https://www.minalogic.com/actualites-adherents/globalfoundries-et-stmicroelectronics-finalisent-laccord-portant-sur-la-nouvelle-unite-de-fabrication-de-semiconducteurs-en-300-mm-en-france/

48 « Désertions d’ingénieurs : mieux vaut prévenir que guérir », Le Postillon n°70, automne 2023.

51 « Désertions d’ingénieurs : mieux vaut prévenir que guérir », Le Postillon n°70, automne 2023.

52 « On est de plus en plus des presse-boutons », Le Postillon n°70, automne 2023.

54 Communication interne de l’entreprise à l’usage des salariés.

56 Communication interne de l’entreprise à l’usage des salariés.

57 Idem.

58 Réunion publique à Crolles le 28/09/2023.

59 Idem.

60 Idem.

61 Source interne.

62 Soitec, « Rapport financier semestriel 2023-2024, novembre 2023, https://d2za3aw7vtguly.cloudfront.net/production/images/Soitec_Rapport-semestriel_FR_FY24.06.pdf

64 « Soitec veut tripler la présence de ses produits dans chaque smartphone vendu d’ici à 2026 », L’Usine nouvelle, 21/02/2023, https://www.usinenouvelle.com/article/soitec-s-attend-a-plus-que-tripler-son-contenu-par-smartphone-d-ici-a-quatre-ans.N2103226

65 « Semi-conducteurs : Soitec se lance dans la course des véhicules électriques », La Tribune, 29/09/2023, https://region-aura.latribune.fr/strategie/high-tech/2023-09-29/semi-conducteurs-soitec-se-lance-dans-la-course-des-vehicules-electriques-978073.html

66 Idem.

68 « life.augmented » (la vie augmentée) est le slogan de STMicroelectronics.

70 Idem.

71 Idem.

72 Idem.

73 « Ces industries sont indispensables aux transitions vers un monde bas carbone », EELV Isère, « Position de EELV sur la consommation d’eau des industries », 5/06/2023, https://isere.eelv.fr/position-de-eelv-sur-la-consommation-deau-des-industries-%f0%9f%92%a7%f0%9f%8f%ad/

74 Frédéric Gaillard et Pièces et main d’œuvre, L’Industrie de la contrainte, L’Échappée, 2011 et Tomjo, L’Enfer vert. Un projet pavé de bonnes intentions, L’Échappée, 2013.

75 « Guerre technologique : 10 points sur les semi-conducteurs », Le Grand Continent, 8/11/2023, https://legrandcontinent.eu/fr/2022/11/08/guerre-technologique-10-points-sur-les-semi-conducteurs/, graphique « Un exemple de spécialisation, comparaison de la répartition sectorielle des investissements dans l’électronique entre l’Europe et le monde (2018) »

76 Lire Philippe Breton, Une histoire de l’informatique, La Découverte, 1987.

77 Chris Miller, Chips War, ed. Scribner, 2023 (non traduit)

78 Chris Miller, « Il existe un lien direct entre semi-conducteurs et puissance militaire », Libération, 30/08/2023

80 « Les semi-conducteurs au cœur de la guerre en Ukraine », Libération, 30/08/2023.

81 Royal United Services Institute for Defence and Security Studies (RUSI), « Silicon Lifeline: Western Electronics at the Heart of Russia’s War Machine » (page 28), 8/08/2023, https://www.rusi.org/explore-our-research/publications/special-resources/silicon-lifeline-western-electronics-heart-russias-war-machine

82 « Russian Papers #1 : invasion sous perfusion française », Blast, 3/10/2023, https://www.blast-info.fr/articles/2023/russian-papers-1-invasion-sous-perfusion-francaise-mImnaL8aQz6_BCbmF6_LKQ

83 « Grenoble c’est le cerveau de l’armement », Le Postillon n°69, été 2023.

84 « Supercalculateurs : l’atome trouve un nouveau souffle », Libération, 7/02/2018, https://www.liberation.fr/france/2018/02/07/supercalculateurs-l-atome-trouve-un-nouveau-souffle_1628227/

85 « Innovation de défense : dépasser l’effet de mode », rapport d’information n° 655, 10/07/2019, https://www.senat.fr/rap/r18-655/r18-6550.html

89 « ST s’en va-t-en guerre », Le Postillon, n°72, hiver 2023.

90 François Geleznikoff (directeur du CEA/DAM), « Soixante ans d’innovations scientifiques et technologiques à la Direction des applications militaires du CEA », Hérodote n°170, 2018, https://www.cairn.info/revue-herodote-2018-3-page-37.htm

91 Commission sénatoriale des affaires étrangères et de la défense, « L’avenir des forces nucléaires françaises », rapport d’information n°668, 12/07/2012, https://www.senat.fr/rap/r11-668/r11-668_mono.html

92 François Geleznikoff (directeur du CEA/DAM), « Soixante ans d’innovations scientifiques et technologiques à la Direction des applications militaires du CEA », Hérodote n°170, 2018, https://www.cairn.info/revue-herodote-2018-3-page-37.htm

94 Pièces et Main d’oeuvre, « Alliot-Marie saute sur Minatec. La ministre de la guerre passe les nécrotechnologies en revue », 23/03/2006, https://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=55

97 « On est de plus en plus des presse-boutons », Le Postillon n°70, automne 2023.

98 « Le Taïwanais TSMC s’implante en Allemagne », Le Monde, 11/08/2023, https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/08/10/le-taiwanais-tsmc-s-implante-en-allemagne_6185040_3234.html

101 The Shift Project, « Pour une sobriété numérique », 4/10/2018, https://theshiftproject.org/article/pour-une-sobriete-numerique-rapport-shift

102 « Face à la pénurie mondiale, 3 scénarios pour le futur des puces électroniques », Usbek & Rica, 21/10/2021, https://usbeketrica.com/fr/article/face-a-la-penurie-mondiale-3-scenarios-pour-le-futur-des-puces-electroniques

103 Commission européenne, « Règlement européen sur les semi-conducteurs », https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/priorities-2019-2024/europe-fit-digital-age/european-chips-act_fr

107Pour l’anecdote, voir Le Dauphiné Libéré, 6/10/2023, « Inauguration de Soitec : alors qu’il interpelle le ministre, le micro du président du Grésivaudan est coupé », https://www.ledauphine.com/economie/2023/10/06/isere-bernin-inauguration-de-soitec-quand-on-coupe-le-micro-au-president-du-gresivaudan

108 Commission nationale du débat public, « Lettre de mission des garant-es », https://www.debatpublic.fr/extension-dune-zone-dactivite-economique-zae-bernin-4423

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