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De l'eau, pas des puces !
Plan social chez ST : nommer les responsables, s’organiser ensemble
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D’après Le Dauphiné Libéré du 31 janvier dernier, STMicroelectronics serait sur le point de licencier jusqu’à 3000 employé·es en France et en Italie, et et donc vraisemblablement une bonne partie sur son site isérois de Crolles. Fin du monde et fin du mois, même combat : dans les deux cas, ce sont les mêmes décideurs à l’œuvre, ce sont les mêmes qui créent les conditions du désastre politique, social et climatique. Les licenciements massifs sont une raison de plus de s’opposer aux extensions de ces usines et au monde qu’elles promeuvent. Une raison de plus de s’engager dans une redirection politique et sociale décidée collectivement.

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Licenciements, agrandissements : ainsi va le capitalisme

Ce à quoi nous assistons avec les probables licenciements chez ST, c’est à l’une des conséquences de la volatilité d’une économie mondiale hors-sol qui en tant qu’entreprise insatiable d’exploitation planétaire pour l’enrichissement de quelques-uns, brutalise sans scrupules des milliers de femmes et d’hommes pour son profit.

La probable fermeture de lignes de production en France et en Italie entraînant la vague de licenciements n’est pas due à une baisse mondiale de la production de semi-conducteurs: loin de là, celle-ci croît de 15 % chaque année. 

Si ST licencie, ça n’est pas que l’entreprise produit moins qu’avant, c’est qu’elle opère des réorientations stratégiques de sa production vers les marchés lui assurant le plus de débouchés. En l’occurrence, il délaisse une partie de sa production de puces sur plaques de 200 mm pour augmenter d’autres productions, notamment celle des plaques de 300 mm (d’où le projet d’extension de Crolles). Le PDG d’ST, Jean-Marc Chéry, annonçait ainsi le 31 octobre dernier : « Nous lançons un nouveau projet d’entreprise pour remodeler notre implantation industrielle, accélérant nos capacités de production en silicium vers le 300 mm (Agrate et Crolles) et en carbure de silicium vers le 200 mm (Catane), et redimensionnant notre base de coûts globale. Ce projet devrait aboutir à un renforcement de notre capacité à croître nos revenus avec une meilleure efficacité opérationnelle, se traduisant par des économies de coûts annuelles en millions de dollars. »1

Tant que l’activité en 200 mm était profitable, elle créait de l’emploi. Devenue moins intéressante, ST licencie. C’est cette recherche de profit qui justifie des délocalisations ou des « relocalisations ». Si STMicroelectronics a autant de centres de R&D en France, c’est parce qu’elle bénéficie de crédits impôt-recherche. Si ST s’agrandit à Crolles et à Catane, c’est parce qu’elle reçoit des milliards d’euros de subventions de la part des États italien et français. Si ST a ses centres de back-end en Malaisie et au Maroc, c’est parce qu’elle y tire profit du faible coût de la main d’œuvre. Si ST a son siège fiscal aux Pays-Bas, c’est parce que c’est très avantageux d’y payer ses impôts. Et cætera : ST va et ira là où l’argent est et sera.

C’est cette dépendance au capitalisme mondialisé qui rend l’industrie microélectronique particulièrement vulnérable aux divers enjeux géopolitiques, ne lui permettant d’assurer aucune pérennité dans les emplois qu’elle prétend créer.  En étant à peine caricatural, si demain, sur un coup de tête, Donald Trump ferme ses frontières aux puces européennes, ST licenciera à Crolles en un claquement de doigts. Combien : 1000 personnes ? Si après-demain la France décide de renforcer son arsenal nucléaire, ST embauchera 100 personnes de plus sur son site de Rennes.

Redessiner des perspectives politiques

Nous considérons que la microélectronique est une industrie nocive, et qu’il serait souhaitable d’envisager son arrêt et une transition sociétale organisée. Pour autant, des fermetures ou licenciements abrupts pour des considérations capitalistes ne peuvent en aucun cas constituer une victoire politique. D’une part parce que nous n’ignorons pas que dans le monde dans lequel nous vivons, un travail salarié peut apporter : de l’argent (vital), de la reconnaissance sociale (vitale), une sociabilité (vitale). Dans ces conditions, nous avons conscience de ce que perdre violemment son emploi représente.

D’autre part parce qu’un discours fort répandu alimente l’idée qu’il y aurait d’un côté les salariés et de l’autre les écologistes, que ces deux positions s’opposeraient l’une à l’autre. Segmenter les sujets, opposer les citoyen·nes en tentant de les convaincre qu’ils et elles ont des intérêts divergents, c’est un geste politique aux lourdes conséquences. Parce qu’il produit une conflictualité entre les individus, empêchant ainsi toute solidarité et réflexion collective. Et parce que cette opposition détourne notre attention des vrais responsables de ces situations, nous empêchant de faire front collectivement.

Cette séparation entre la question sociale et la question environnementale est absurde : elles sont intimement liées. Car ce qu’il nous faut rappeler, c’est que la situation sociale comme environnementale relèvent des mêmes choix politiques et d’intérêts économiques qui se font au détriment de la vaste majorité de la population comme de l’environnement : riverain·es victimes des pollutions, salarié·es traité·es comme de simples variables d’ajustement, humain·es exploité·es aux quatre coins du globe au nom de la tech, environnement exploité et contaminé par les nuisances de l’industrie numérique, terres maraîchères bitumées devenues incultivables…

Ce sont ces décisions politiques qu’il nous fait remettre collectivement en question pour penser d’autres perspectives qui soient pérennes et désirables. 

Un même ennemi : le capitalisme industriel

Une victoire politique serait pour nous l’annulation des projets d’agrandissement avec une anticipation du sort des salarié·es (dans le Grésivaudan 68% des emplois sont liés à l’industrie ou aux services de l’industrie), une réflexion commune sur ce que nous pourrions faire collectivement sur le territoire, à partir des besoins que nous aurions identifiés collectivement.

Il s’agit, à nos yeux, d’être cohérent·es et ambitieux·ses dans ce que nous souhaitons : nous ne désirons pas qu’une industrie au service de la guerre, de la prolifération d’objets connectés ou de dispositifs de surveillance, continue ses nuisances sous l’unique mot d’ordre de la sauvegarde de l’emploi. Ne nous laissons pas enfermer dans ce « chantage à l’emploi », utilisé sans restriction par tous·tes nos interlocuteur·ices politiques depuis deux ans : car il ne s’agit pas de choisir entre le plein emploi et le plein chômage, mais de s’attarder à redéfinir pour quoi et pour qui nous souhaitons livrer notre temps et notre énergie (d’autres disent notre « force de travail »). 

La CGT Soitec l’évoque très ouvertement dans un communiqué du 17 avril 2022 : « il nous est toujours apparu nécessaire de ne pas rester sur une position corporatiste vis-à-vis de notre filière et nous devons voir plus loin que la seule défense de nos emplois, car avant d’être salariés, nous sommes des citoyens. (…) On parle de “double besogne” entre les aspirations et revendications légitimes des salariés au quotidien et le plus long terme, visant, entre autres, une transformation sociale. »1

Riverain·es de Crolles et de Bernin, citoyen·nes du Grésivaudan, comme salarié·es, nous avons un ennemi commun : les grandes industries qui mettent en danger nos conditions d’existence, exploitent et détruisent les humain·es et la nature pour en tirer toujours plus de profit.

Rejoignez-nous les 28, 29 et 30 mars 2025 pour une grande mobilisation contre l’accaparement des ressources par l’industrie de la tech ici et ailleurs !

Collectif STopMicro, 16 février 2025

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