Le secteur de la micro-électronique est le plus gros employeur de la vallée du Grésivaudan. Alors que l’accaparement des ressources par cette industrie est contesté depuis deux ans et que le collectif STopMicro prépare une mobilisation d’ampleur les 28, 29 et 30 mars prochain à Grenoble et Bernin, des signes inquiétants de bâillonnement du débat public apparaissent.
L’organisation de présentations de la bande dessinée de Maud et Elsa Lecarpentier Toujours puce. Les macrodégâts de la microélectronique (ed. Le monde à l’envers) dans le Grésivaudan – et la tenue de réunions publiques sur le sujet en général – s’avère semée d’embûches. Dernier épisode en date : l’annulation pure et simple d’une présentation qui devait se tenir dans une librairie. Mais il y en a eu d’autres auparavant. Est-il encore possible de débattre de l’emprise des grandes entreprises dans le Grésivaudan ?
Venez rencontrer Maud et Elsa Lecarpentier lors de la prochaine présentation de leur livre, qui aura lieu lundi 10 février à 19h au Perchoir (492 rue des Bécasses à Crolles).
Bonne nouvelle : une présentation de la bande dessinée Toujours puce était programmée le 7 février dans une librairie du Grésivaudan. Nous apprécions ce livre, dont nous avons signé la postface et organisé une présentation en octobre dernier à Grenoble. Pour cette nouvelle présentation, à laquelle STopMicro n’a pas pris part, la date, les horaires, tous les détails techniques étaient définis entre la maison d’édition et le libraire. Celui-ci, qui avait lu le livre, en avait commandé trente exemplaires pour les vendre lors de la soirée. Mais cette soirée n’aura hélas pas lieu…
Cette annulation fait écho aux difficultés rencontrées par la maison d’édition pour trouver des lieux disposés à accueillir des présentations de la bande dessinée dans le Grésivaudan. Voici par exemple la réponse envoyée par une autre librairie en septembre dernier.
Cette seconde réponse n’est certes pas équivalente à la première, puisqu’ici les libraires ont joué cartes sur table dès le début, et n’ont jamais fait croire qu’ils souhaitaient accueillir la rencontre, et on peut les féliciter de cette honnêteté.
Les librairies ont-elles reçu des menaces directes de la part de l’entreprise ? Ou, plus probablement, s’en sont-elles tenues à une posture « prudente » d’auto-censure ? Le résultat est hélas le même : il est extrêmement difficile de mettre en débat l’accaparement des ressources par l’industrie électronique dans les lieux mêmes où celui-ci a lieu.
On peut également rappeler les difficultés rencontrées par STopMicro pour trouver un lieu où organiser le colloque « Semi-conducteurs : l’impossible relocalisation ». En témoigne par exemple cette réponse envoyée en octobre par un lieu culturel du campus géré par une association.
Il nous semble que ce lieu culturel a une lecture extensive de la notion de « prosélytisme », même si nous savons que l’UGA n’est pas neutre sur ce sujet, puisqu’elle se positionne depuis un siècle en soutien actif des industries « innovantes » et des entreprises comme STMicroelectronics, Soitec ou Lynred (outre les trois liens que nous fournissons, éclairants, on peut lire à ce sujet le livre du Groupe Grothendieck, L’Université désintégrée. La recherche grenobloise au service du complexe militaro-industriel, également aux éditions Le monde à l’envers).
Finalement, ce colloque qui cherche à rendre visible la matérialité de la prétendue « dématérialisation » et la division internationale du travail sur laquelle repose la prospérité grenobloise et l’industrie des semi-conducteurs en particulier aura bien lieu les 28 et 29 mars prochain à La Bobine qui nous accueille – et ce malgré les menaces de fermeture qui planent sur elle pour d’autres raisons.
Saluons également le tiers-lieu Au Perchoir qui accueille une rencontre avec Maud et Elsa Lecarpentier le 10 février prochain à 19h. Y aura-t-il foule lors de cette présentation ? En tout cas, ce ne sera pas grâce à l’agenda en ligne des manifestations culturelles et sportives de la Communauté de communes Le Grésivaudan.
Depuis l’envoi de ce mail par la maison d’édition, pas de réponse, et l’évènement n’est hélas toujours pas apparu dans l’agenda… Faut-il y voir un rapport avec le fait que la Communauté de communes, gestionnaire de cet agenda, est très largement engagée en soutien à l’industrie de la microélectronique (au point que c’est elle qui porte le projet d’agrandissement de la zone d’activité économiques de Bernin, sur lequel repose l’agrandissement de Soitec que nous combattons) ?
Pour rappel, la présentation du livre Toujours puce au Perchoir ne signifie nullement que Le Perchoir partage les idées exprimées dans le livre : cela signifie simplement que le lieu a accepté de donner la parole à deux autrices de bande dessinée pour que leur travail soit mis en discussion, aussi bien sur ses aspects esthétiques et artistiques que sociaux et politiques. Le simple fait que nous soyons obligés de le préciser est un triste indicateur de la liberté de parole qui est possible aux alentours de STMicroelectronics et Soitec, contrairement aux litanies que les garants de la concertation publique déversaient il y a encore quelques semaines, invitant la population à « s’exprimer » et à « parler librement ».
Les manifestants de Mai 68 se demandaient s’il est « possible de penser librement à l’ombre d’une église ». Dans le Grésivaudan, au vu des pressions directes et indirectes qui s’exercent, on peut aujourd’hui se demander s’il est possible de penser librement à l’ombre d’une usine.
Collectif STopMicro, 30 janvier 2025