A Bernin, près de Grenoble, plus de 3000 personnes ont manifesté ce dimanche à l’appel de STopMicro et des Soulèvements de la terre. Après un passage devant l’usine STMicroelectronics, les manifestant.es ont construit une vigie sur les terres agricoles et vergers menacés d’expropriation pour l’extension de Soitec.
Ils et elles exigent l’abandon des projets d’extension des usines de STMicroeletronics et de Soitec, deux industriels fabriquant des puces électroniques, qui projettent d’artificialiser des terres agricoles et d’accaparer de très grandes quantités d’eau potable. En parallèle de la manifestation un « Comité Essentiellement Antipuces » a informé la presse du désarmement à Saint-Egreve du site de Teledyne, complice du génocide en Palestine. Vendredi et samedi, plus de 1000 personnes s’étaient déjà réunies à Grenoble pour un colloque international intitulé « Semi-conducteurs : l’impossible relocalisation ».
C’est aujourd’hui la manifestation la plus massive du collectif à ce jour : la première en 2023 avait réuni 1000 personnes devant les usines de STMicroelectronics à Crolles. En 2024, 2000 personnes ont défilé sur la presqu’île scientifique de Grenoble où est situé leur centre de recherche et développement. La contestation menée par le collectif STopMicro ne fait que croître et la lutte paye : le chantier de STMicroelectronics est toujours à l’arrêt en attente d’autorisation préfectorale et Soitec a annoncé la suspension de son projet d’extension. Cependant, la Communauté de communes du Grésivaudan poursuit sa volonté d’étendre l’usine. Pour cela, elle menace d’exproprier plusieurs agriculteurs et de bétonner les 11 hectares de terres agricoles jouxtant Soitec.
Dès midi, les manifestant-es ont rejoint Bernin pour un grand repas confectionné par les cantines militantes.
Le numérique à l’intersection des luttes anticapitalistes
La manifestation s’est ensuite élancée derrière la banderole du collectif STopMicro – De l’eau, pas des puces, contre l’accaparement des ressources par les industriels et la « vie connectée » – suivie de cinq cortèges thématiques, regroupant des collectifs en lutte contre l’extractivisme, pour la paysannerie, anti-militariste, critique du numérique sur un cortège regroupant les luttes écologistes. Le numérique est la pierre angulaire du capitalisme moderne, elle se trouve à l’intersection de toutes ces luttes. Divers collectifs pour la défense de l’eau ont aussi fait le déplacement. Un convoi de militant.es anti-bassines est même venu du marais poitevin avec une loutre géante sur une barque.
Devant les grilles de STMicrolectronics pour dénoncer ses nuisances
La manifestation a défilé devant les immenses usines STMicroelectronics. Une prise de parole s’y est tenue, énumérant les nuisances locales, l’accaparement et la pollution de l’eau, ainsi que les nuisances globales comme celles liées à l’extractivisme.
La fabrication de puces pompe des quantités astronomiques d’eau potable. STMicroelectronics et Soitec, après agrandissement, devraient consommer plus d’eau que la ville de Grenoble, alors que les habitant·es et les agriculteur·ices connaissent des restrictions lors des sécheresses. La nappe phréatique sous Grenoble est déjà lourdement polluée par les industries chimiques. Les usines de semi-conducteurs, quant à elles, polluent l’Isère en rejetant du phosphore, de l’azote, du cuivre, des hydrocarbures et des PFAS dans des quantités faramineuses.
Une centaine de personnes s’en prennent au site de puces de Teledyne, complice du génocide en Palestine
En milieu d’après-midi, alors que la manifestation s’était arrêtée devant l’usine de STMicroelectronics, nous avons appris qu’en parallèle, un groupe d’une centaine de personnes ont désarmé le site de Teledyne à Saint-Egreve de l’autre côté de Grenoble. Le communiqué du Comité Essentiellement Antipuces publié sur différents médias (https://dijoncter.info/grenoble-100-personnes-s-en-prennent-au-site-de-puces-de-teledyne-complice-du-6115) explique les raisons de leur action. Teledyne partenaire de STMicroelectronics est « un acteur majeur de la production de puces dans le bassin grenoblois ». Ces puces sont notamment dédiées à la production d’armes vendues à l’Etat israëlien qui sont actuellement utilisées dans les massacres de population en Palestine. Le site de Saint-Egreve a été repeint, ses grilles coupées et différents dommages matériels effectués en vue de mettre l’usine « hors d’état de nuire ».
Une vigie pour prévenir l’agrandissement de Soitec sur des terres agricoles et vergers
Enfin, les manifestant-es ont marqué la fin de la manifestation avec la construction d’une vigie dans l’une des parcelles agricoles sur les 11 ha de terres et vergers menacés d’artificialisation. Pour permettre l’expropriation des quatre agriculteur-ices concerné-es, ces terres devront être déclarées « zone urbaine industrielle » afin de les rendre constructibles, lors d’une enquête publique qui se déroulera dans les semaines à venir. L’un des quatre agriculteur-ices concerné-es prend la parole : « L’usine va m’entourer complètement, elle condamne l’exploitation. Je suis à 6-7 ans de la retraite, il n’y aura aucune transmission possible… Aucun jeune ne se mettra au milieu des bâtiments » Mais rien n’est encore joué. Cette vigie fait aujourd’hui figure d’avertissement et de base pour réagir : ce sera « la seule construction qu’il y aura sur ces terres. On ne les laissera pas s’agrandir », ont conclu les militant-es dans une dernière prise de parole.
Le collectif STopMicro continuera de s’opposer aux agrandissements des usines de la microélectronique, ici comme ailleurs. Le front contre l’emballement numérique se constitue, renforçons-le.