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De l'eau, pas des puces !
Quand les puces de ST s’abattent sur un hôpital pour enfants
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Quand les puces de ST s’abattent sur un hôpital pour enfants

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« Les puces, ce n’est ni bon ni mauvais, ça dépend de ce qu’on en fait »1. Ainsi va le slogan devenu insupportable derrière lequel se cachent les élites intellectuelles (chercheurs, ingénieurs, politiciens). Slogan douloureux de naïveté devant l’histoire et témoin de notre terrible inconséquence.

Lundi 8 juillet 2024. Un missile KH101 russe s’écrase sur un hôpital pédiatrique de Kiev faisant quarante morts et soulevant, encore une fois, le cœur horrifié de l’humanité. Grande marche du progrès oblige, ce missile KH101 contient une quinzaine de composants électroniques. Rien de bien choquant, le domaine de la microélectronique s’étant développé précisément pour améliorer la précision des missiles américains pendant la guerre du Vietnam.2 Deux de ces puces proviennent de STMicroelectronics. Possiblement produites à Crolles, tout près de nous, dans l’indifférence.

Au-delà de l’horreur, on apprend que Moscou a multiplié par huit sa production de missiles KH101 entre 2022 et 2023, et qu’il en va donc d’autant du nombre de puces fournies par ST3. D’autre part, ces puces auraient été acquises sans difficulté sur le marché ouvert chinois4. Double-ironie morbide de la vente des biens « à double-usage »5, ces produits qui, sous couvert d’économies d’échelle, peuvent servir à la fois des intérêts civils et militaires. Dit autrement, en vendant un seul produit (d’usage civil comme militaire) au lieu de deux, on est à la fois plus rentable et, surtout, on est plus discret. N’importe qui peut dès lors librement acheter des puces d’ST pour ouvrir un business d’électroménager. Ou s’en servir d’arrière-boutique de la mort.

C’est ainsi qu’au contraire de sa voisine Lynred, société de technologies infrarouges dédiées à 80 % à l’armement et également coupable de contournement d’embargo sur la Russie, qui s’est pour cela récemment fait mettre à l’amende par l’État et a perdu – ironie du sort – un de ses principaux clients civils (Philips), STMicroelectronics fait jusque-là profil bas en se dissimulant derrière le double-usage de ses produits. Seulement, les frasques russes et israéliennes commencent à peser un peu lourd dans la balance de déresponsabilisation du « ni bon ni mauvais » ! Et surtout, ST est juridiquement responsable de l’usage de ses produits6.

Les puces participent de manière indiscriminée à cet état permanent de contrôle policier et de guerre. On leur doit l’ampleur des horreurs qui nous parviennent depuis les champs de batailles. Peu importe qu’elles contournent ou non un embargo, qu’elles équipent un pays décrété ami ou ennemi, le soutien à cette industrie nous rend complices. Parce que c’est bien ici, à Grenoble, que « commence la mort »7 et que c’est aussi localement qu’on subventionne ces industries, en témoignent les conseillers métropolitains qui ont renouvelé leur soutien au plan Nano en finançant des PME liés au militaire8.

Ne nous y trompons pas, la production des puces ne participe en rien à la construction d’un monde meilleur. Qu’on le veuille ou non, elle demeure ancrée au service de la guerre généralisée contre le vivant.

NO PUÇARAN !

Collectif STopMicro, 14 juillet 2024
stopmicro@riseup.net https://stopmicro38.noblogs.org

1 Ici remplacez à votre guise « puces » par « numérique », « intelligence artificielle » ou toute autre joyeuseté.

2 Chris Miller, Chip war: The fight for the world’s most critical technology. Simon and Schuster, 2022.

6 Loi n°2017-399 portant sur le devoir de vigilance : www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034290626/

7 Voir l’article du Postillon n°73 « Ici commence la mort », Fabrice Lamarck, Des treillis dans les labos, Le monde à l’envers, 2024, et les références citées.

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