STopMicro38
De l'eau, pas des puces !
Message au PCF et à ceux et celles qui se revendiquent de l’anti-capitalisme
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Fin mai, le PCF isérois déclarait dans les pages du Dauphiné Libéré « ne pas craindre de parler de microélectronique » . Sur ce point, le PCF ne diffère pas beaucoup des autres partis… De Renaissance au RN, en passant par Les écologistes, le PCF ou la FI, ce sont bien tous les Partis qui peinent à s’opposer au déferlement numérique et technologique, et qui, tout en prônant la réindustrialisation, mettent sous le tapis toutes ses conséquences néfastes.
Dans ce tract « Se battre contre le capitalisme, c’est s’opposer à l’industrie électronique » (en PDF), nous répondons au PCF et à toutes celles et ceux qui se revendiquent de l’anti-capitalisme. Texte ci-dessous :

Se battre contre le capitalisme, c’est s’opposer à l’industrie électronique !

Imaginez ! Imaginez des usines polluantes travaillant en partenariat avec l’armée pour la dissuasion nucléaire, reposant sur l’exploitation des ressources des pays du Sud et fabriquant des gadgets électroniques. Imaginez maintenant que ces usines veuillent s’agrandir, et réclament à l’Etat un soutien massif qui se compte en milliards d’euros. Et maintenant, cherchez quelles forces politiques apporteraient leur soutien à un tel projet. L’extrême-droite bien sûr, qui adore l’armée et les usines. Les macronistes, évidemment, qui adorent les usines et l’armée. Mais aussi… le Parti Communiste Français, au nom de la “souveraineté” et des emplois ! (Le Dauphiné, 28 mai 2024).


E
st-il possible de séparer l’industrie de l’électronique de ses désastres écologiques, de ses destinées répressives et aliénantes, de l’exploitation internationalisée qu’elle génère ? Est-il possible d’imaginer une industrie numérique “propre”, “durable”, “éthique”, voire “anticapitaliste”? Le collectif STopMicro, qui se mobilise contre les extensions des usines STMicroelectronics et Soitec, pense que non, et que cet élan industrialiste est une impasse pour nos conditions de vie et notre autonomie.

Semi-conducteurs, double pollution

Les semi-conducteurs sont à la base de tout composant informatique. Et bien loin du fantasme du numérique “dématérialisé”, leur fabrication a des impacts matériels très concrets sur toute la planète. Près de chez nous à Crolles, les entreprises Soitec et STMicroelectronics, toutes deux en pleine expansion, sont à la fois responsables de l’accaparement de notre eau potable et de sa pollution. Les entreprises projettent de doubler leur consommation d’eau d’ici 2028 pour atteindre 38 000 m³ par jour, dont 26 000 m³ provenant du réseau d’eau potable, soit plus que la ville de Grenoble. Aucune restriction d’eau n’est envisagée pour ces entreprises lors des sécheresses, de plus en plus nombreuses, au contraire des habitant-es et agriculteur-rices. Cette eau est ensuite rejetée polluée dans la rivière Isère, avec des concentrations hallucinantes de phosphore, d’azote et de cuivre. Plus récemment, STMicroelectronics a été classé comme l’un des principaux émetteurs de la région en PFAS, ces fameux polluants éternels.

Life.augmented, Death.augmented

Dans leurs publicités, ces entreprises masquent leurs nuisances en avançant que leurs produits sont au service de l’écologie et de la santé. En réalité, ce sont d’abord des gadgets superficiels, voir carrément nuisibles qui justifient leurs extensions. Voitures électriques, reconnaissance faciale pour smartphones et robots industriels sont leurs principaux débouchés. Ces entreprises misent sur la prolifération des objets connectés pour écouler leur marchandise et travaillent sur la 6G, l’IA … Est-ce vraiment cette société numérisée, déshumanisée que nous souhaitons ?
Plus grave, leurs puces sont au service de la guerre. L’industrie militaire absorbe plus de 20% du marché des puces électroniques européennes. Plus de 90 millions d’euros de puces de STMicroelectronics ont été retrouvés sur les champs de bataille en Ukraine, dans les missiles autoguidés russes par exemple. D’autre part, les entreprises STMicroelectronics et Soitec sont issues de recherches initialement destinées à l’armement nucléaire, et continuent aujourd’hui d’y contribuer.

 

Micro-électronique, méga exploitation

Extractions désastreuses des minérais et métaux dans des pays en guerre, procédés industriels inévitablement polluants, assemblage dans des villes-usines d’Asie de l’Est : la chaîne de production de la quincaillerie électronique est un ravage pour les personnes qu’elle exploite aux quatre coins du monde, souvent dans des conditions dramatiques (1).
Plutôt que de défendre coûte que coûte les emplois des filières électroniques, nous gagnerions à réaliser que c’est d’abord les travailleurs et travailleuseuses qui subissent les conséquences de cette prolifération du numérique. On pense d’abord à la robotique et à l’IA, qui participent à la domination du capital sur des employé-es rendus remplaçables ou délocalisables. On pense aussi à la pullulation de dispositifs numériques qui dégradent les conditions de nombreux emplois en accroissant la surveillance des salarié-es (badgeage, caméras, concurrence chiffrée), la déshumanisation de leur activité (commande vocale dans les entrepôts) ou la perte de sens dans leur travail (école numérique). Le tout, en faisant progresser notre subordination aux objectifs de performance et de quantification, au détriment de la liberté et du lien humain.

Quel avenir pour une filière qui sape notre avenir ?

Nous soutenons la lutte des travailleurs et travailleuses pour de meilleures conditions de vie, mais nous pensons que défendre et développer la filière de la microélectronique est une impasse. Peut-on sincèrement imaginer une industrie des semi-conducteurs qui soit éthique et écologique ? Qui ne polluerait pas alors qu’elle ne peut se passer de produits chimiques ultra toxiques ? Qui serait à échelle humaine, et ne dépendrait pas de l’exploitation issue de la division internationale du travail, alors même que ses matières premières proviennent de sous-sols dispersés sur toute la planète ? Qui pourrait être raisonnée alors que ses usines ont besoin des machines les plus chères de l’histoire, qui doivent tourner sans répit afin d’être rentables ? Qui servirait une société égalitaire et juste, alors que les dispositifs numériques offrent les possibilités d’un contrôle total ? Nous pensons que non. “Planifiée” ou non, l’industrie du numérique nous enferme au
contraire dans une société d’aliénation et d’empoisonnement perpétuel, en sapant nos possibilités d’émancipation et de vie harmonieuse sur terre.

Se réapproprier collectivement nos conditions d’existence

Notre visée n’est pas de jeter une critique individuelle et moralisante aux travailleurs et travailleuses des usines, qui sont comme tout le monde contraint-es dans un marché du travail régi par le capitalisme et l’État. Nous voulons plutôt avancer une réflexion collective, qui critique la place de l’industrie de l’électronique et le monde qu’elle sert. Une réflexion de ce type a déjà été initiée par la CGT en ce qui concerne les activités de STMicroelectronics en Israël, et elle mérite d’être prolongée et affinée (2). Ce que nous voulons surtout, c’est participer à la réappropriation collective de nos conditions d’existence. Des conditions que nous voyons mises à mal par les nuisances écologiques et sociales de l’infrastructure du numérique et de son expansion. Nous pensons que cette lutte doit se mener contre ceux qui organisent le désastre, et en priorité ceux qui sont à notre portée. Nous pensons aussi qu’elle doit se mener avec celles et ceux qui subissent ce désastre, c’est à dire celles et ceux qui voient leur vie dégradée, exploitée ou dépendante des industries électroniques.

Travailleur-euses, habitant-es ou intéressé-es, nous vous invitons à nous rejoindre pour discuter ensemble
de la manière dont nous pourrions nous sortir collectivement de l’impasse qui nous est imposée. Nous nous
réunissons tous les 15 jours, et nous organisons des actions variées.

Collectif StopMicro, 14 juin 2024

(1) Celia Izoard, La Ruée minière au XXIe siècle. Enquête sur les métaux à l’ère de la transition, Seuil, 2024.
(2) https://cgtstcrolles.fr/lettre-ouverte-a-jean-marc-chery-ceo-de-stmicroelectronics-stop-arming-israel

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