La (P)face cachée de ses rejets dans l’Isère
Un rapport de l’Agence Régionale de Santé (ARS) publié ce 22 avril révèle que l’usine STMicroelectronics de Crolles est un des plus gros émetteurs de PFAS de la région Auvergne Rhône Alpes1. Déjà responsable de l’accaparement de l’eau potable et du rejet d’une large gamme de produits chimiques dans l’Isère, cette usine contamine nos vies avec des polluants éternels.
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« Sans certains PFAS, la production de semi-conducteurs n’est tout simplement pas possible. Il n’y a pas encore d’alternatives dans les marchés2 »
Les substances per-et-polyfluoroalkylées (PFAS) sont indispensables à la production de semi-conducteurs, les composants de base de tout matériel informatique3. Pour plusieurs raisons. D’abord, les PFAS ne sont pas dégradés par les produits chimiques ; or, STMicroelectronics consomme environ 20 000 tonnes de produits chimiques par an pour graver ses circuits électroniques, et des dizaines de milliers de m³ d’eau par jour pour les rincer. Les PFAS sont donc utilisés dans les joints, tuyaux et valves, pour protéger les canalisations. Un désastre pour la rivière Isère qui accueille le tout à la sortie.
De plus, les industriels se servent de cette même résistance aux produits chimiques pour réaliser des couches photosensibles sur lesquelles s’impriment les plaques de silicium. Les PFAS sont également utiles pour la transparence et l’absence de reflet que demandent les gravures les plus fines.
Les conséquences dramatiques des rejets de PFAS
Dans la nature il n’existe aucun micro-organisme capable de les dégrader. Voilà pourquoi ils sont appelés « polluants éternels ». On les retrouve à la sortie de l’usine puis dans nos eaux et au final dans toute la chaîne alimentaire et donc dans nos corps. Problèmes de fertilité, troubles autistiques, problèmes cardio-vasculaires, maladies du foie et risques de cancer chez les humains4… Dans un article du journal Le Monde du 23/02/2023 on peut lire que « Seize millions d’Européens, dont deux millions de Français, seraient affectés par des pathologies dues à une exposition aux substances per- et polyfluoroalkylées. »5. La toxicité des PFAS et leur durée de vie illimitée en font une pollution particulièrement nuisible. Elle vient s’ajouter aux trop nombreuses pollutions des industries chimiques et de l’électronique.
La course à la croissance et à l’innovation du duo STMicroelectronics – Arkema
La course à la miniaturisation des semi-conducteurs a débouché sur une collaboration entre Arkema et STMicro. Arkema, plus gros pollueur en PFAS de la région, s’est déjà jointe au CEA de Grenoble en 2012 pour développer un procédé de fabrication de nano-composants électroniques, « la lithographie par assemblage dirigée »6. Arkema et STMicroelectronics se sont ensuite associés en 2014 dans un projet européen pour industrialiser ce nouveau procédé. La « Vallée de la Chimie » à Lyon et la « Sillicon Valley française » à Grenoble forment ainsi un « écosystème » interdépendant.
L’électronique pollue aussi l’Isère avec des eutrophisants et des métaux lourds
Outre les PFAS, les entreprises de l’électronique bénéficient d’autorisations préfectorales pour des rejets de divers produits chimiques dont les effets délétères sont bien connus : azote, phosphore, cuivre… On ne parle pas de faibles quantités, mais de volumes industriels.
Par exemple, quand on cumule les quantités autorisées pour ST et celle de sa voisine Soitec, on obtient pour l’azote les rejets d’une ville de 53 000 habitants qui ne traiterait pas ses eaux usées, et pour le phosphore l’équivalent de 23 600 habitants. Or, l’azote et le phosphore eutrophisent les milieux aquatiques de surface. Ils entraînent une croissance excessive de plantes ou d’algues dans la rivière qui vont absorber de grandes quantités d’oxygène, provoquant l’asphyxie des écosystèmes aquatiques.
Pour ce qui est du cuivre, les services de l’Etat, de manière dérogatoire et sans aucune justification environnementale, permettent déjà à ST d’en rejeter près de 550 kilos par an. Dans le cadre de son agrandissement, l’industriel demande l’autorisation de doubler son taux de rejet, pour atteindre un taux 10 fois supérieur aux autorisations administratives standards (dites « NEA MTD applicables au IED ») ! Le cuivre est un micropolluant, persistant dans l’environnement, toxique à faible concentration et de ce fait responsable de dégradations majeures des milieux aquatiques. En 2016, l’autorisation avait été assortie d’une obligation de réaliser un plan de réduction des rejets… que l’industriel n’a pas réalisé.
En résumé, ST pollue l’Isère avec la bénédiction de la préfecture.
À quand une plainte contre STMicroelectronics ?
Récemment la métropole de Lyon a saisi la justice contre les rejets de PFAS par Arkema et Daikin (qui comparaissaient le 28 mai devant le tribunal correctionnel de Lyon7).
Puis la ville de Grenoble a annoncé le 22 mars dernier avoir lancé plusieurs procédures judiciaires visant à obtenir l’application du principe « pollueur-payeur ». On se souvient qu’ en 2021, un rapport commandé par la ville de Grenoble pour évaluer la qualité de l’eau de la nappe phréatique sous Grenoble, avait révélé que l’eau était impropre à toute utilisation : présence de COHV (hexachlorobutadiène), Phtalates, HAP (benzo(a)pyrène)…8 Une pollution imputable à l’industrie de la pétrochimie au sud de l’agglomération (Arkema, Vencorex). « Ce risque sur l’eau potable doit disparaître », a argué le maire, Éric Piolle. « Le principe du pollueur-payeur n’est pas appliqué. Les habitants sont dépossédés de leurs ressources et l’État demande aux collectivités de prendre à leur charge les conséquences négatives de ce qu’il a contribué à mettre en place », a-t-il déploré. « Nous demandons la réparation des atteintes à l’environnement et à la biodiversité. Ces pollutions commises dans la Romanche constituent un délit d’écocide ».
Eric Piolle et Les Écologistes (ex EELV) se sont toujours vantés de soutenir les agrandissements des usines de Crolles et Bernin, arguant qu’elles seraient indispensables à la transition énergétique. Ils semblent oublier un peu vite que la production de puces est extrêmement polluante et consommatrice de ressources : non contents de siphonner les nappes phréatiques, les fabricants de semi-conducteurs les empoisonnent, contaminant au passage la population et les écosystèmes.
Si les élus locaux prennent le problème des PFAS au sérieux, oseront ils s’attaquer au plus gros émetteur de polluants éternels de la cuvette : STMicroelectronics ?
Le collectif STopMicro continuera à lutter contre l’extension de l’usine de STMicro ainsi que celle de sa voisine SOITEC, dont on attend encore les mesures de rejets.
Contre le méga-pollueur STMicroelectronics et les pouvoirs publics complices de leur empoisonnement aux PFAS, rendez-vous le LUNDI 24 JUIN À 19H devant le conseil communautaire du Grésivaudan À L’AGORA DE ST-ISMIER !
NO PFASARAN, NO PUÇARAN !
Le collectif STopMicro
stopmicro@riseup.net https://stopmicro38.noblogs.org
1D’après un rapport de L’Autorité Régionale de Santé (ARS) du 22/04/2024: https://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/IMG/xlsx/240419_resultats-pour-publication_vf.xlsx
2Un responsable anonyme d’entreprise cité dans The Financial Times, 22/05/23, The crackdown on risky chemicals that could derail the chip industry
3Ce paragraphe et le suivant sont tirés en partie de l’article du Postillon n°73: Pollution au PFAS : STMicro aussi.
4https://monographs.iarc.who.int/fr/news-events/volume-135-evaluation-des-effets-cancerogenes-de-lacide-perfluorooctanoique-et-lacide-perfluorooctanesulfonique/
5https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/02/23/polluants-eternels-quels-sont-les-effets-des-pfas-sur-la-sante_6162939_4355770.html
6La « lithographie par auto-assemblage dirigé ». Sur leur site: https://www.arkema.com/global/fr/arkema-group/innovation/electronics-solutions/
7https://reporterre.net/Polluants-eternels-dans-le-Rhone-Arkema-et-Daikin-en-proces-a-Lyon
8https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-44071-qualite-eaux-souterraines-grenobloises-anteagroup.pdf