STopMicro38
De l'eau, pas des puces !
Chroniques crolloises : les lois du « marché » made in ST
Categories: General

ce texte en pdf

Temps chagrin en ce dimanche matin de marché crollois. À peine enfilé nos t-shirts « De l’Eau pas des Puces » et embarqué nos tracts, nous tombons sur le stand aux couleurs criardes bleu marine et jaune de ST. C’est en effet jour de « concertation préalable » à Crolles, alors les wafers1, les belles applications (jamais militaires) de la microélectronique et surtout M. Gérondeau en personne, directeur du site de Crolles, accompagné des trois garant·es de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), sont de sortie.

On n’a pas dégainé notre premier tract que la police municipale nous aborde : vous n’avez pas le droit de tracter ici, ordre de M. Lorimier (le maire de Crolles). Ah bon, c’est juste pour STopMicro cette règle ou c’est pour tout le monde ? Pour tout le monde. Et ST qui est en plein milieu du marché ? Ah ben ça, on a merdé, ils se sont installés sans prévenir, ils auraient dû être dehors mais c’était trop tard. Mouais… Bon, M. l’agent, homme fort avenant, a l’air vraiment sincère. Sauf qu’un peu plus tard dans la matinée, on rencontre M. Lorimier (homme fortement moins avenant) qui, à la même question, nous répond : personne ne peut tracter sur le marché, c’est un lieu où les gens font leurs courses au calme. OK mais ST, pourquoi ils sont là ? Ah non, ST c’est pas pareil, ST c’est un acteur important ! … L’agent de la police blêmit en comprenant qu’il s’est fait berner (encore une fois, mais on sent qu’il est habitué) par M. le maire. La suite de l’entretien avec Lorimier se passe de commentaires. Au cours de cet échange houleux, il exulte et sort tour à tour toute sa panoplie des moisissures argumentaires et de chiffons rouges pour finir excédé sur un magnifique « de toute façon les gens sont bêtes ». Les crollois et les crolloises apprécieront. Il nous quitte en nous recommandant d’aller vivre en yourte.

Mais revenons plutôt sur l’échange avec M. Gérondeau, non pas qu’il fut intellectuellement plus épanouissant, mais parce qu’il sera très révélateur des magouilles incessantes que nous dénonçons depuis plus d’un an à STopMicro. M. Gérondeau est donc là pour rencontrer le bas peuple au milieu des odeurs de rôtisserie dans le cadre de la « concertation préalable ». Concertation préalable qu’ST s’est vu imposer de mettre en place étant donné que leur ridicule passage en force en lançant une enquête publique sans concertation préalable était si grotesque qu’il a été repéré et dénoncé (par nous et par d’autres).

Petit point technique un peu pénible mais nécessaire pour la suite. Cette concertation préalable est commandée par M. Papinutti, président de la CNDP, qui a missionné trois garant·es dans une lettre dont la demande express est de consulter les citoyen·nes au sujet « de l’opportunité, des objectifs et des caractéristiques du projet, des enjeux socio-économiques […], de leurs impacts significatifs sur l’environnement » mais aussi « des solutions alternatives […] de l’absence de mise en œuvre ». Plus important, M. Papinutti stipule à deux reprises dans cette lettre de mission2 que le bilan de la concertation « sera joint au dossier de l’enquête publique » à venir. Comme ST a merdé en « omettant » de faire une concertation préalable avant de se lancer dans une enquête publique, retour à la case départ : après la concertation préalable, il y aura une nouvelle enquête publique et ST doit notamment prévoir une solution de repli en cas de refus de la mise en exploitation du site. Site qu’ST a bien sûr déjà construit histoire de couper l’herbe sous les pieds malades de la démocratie. Le problème c’est que, à la fois dans la « synthèse » et dans le « dossier de concertation » produits conjointement par ST et les garant·es3, bizarrement le calendrier prévisionnel n’évoque plus du tout d’enquête publique. Non, non, après la concertation préalable, on passerait direct à la « mise en exploitation ». Ni vu ni connu (sauf par nous). Bref, une concertation « préalable » des citoyennes et des citoyens qui arrive à la toute fin du processus. Normal.

L’argument avancé par ST pour encore une fois se passer des lois est que « le délai d’exécution est une composante essentielle du projet » parce que « le marché des semiconducteurs est marqué par un contexte concurrentiel mondial et est particulièrement cyclique » (tout comme le marché des godasses, des bagnoles, des fringues, de tout en fait). Mais zut, pas de bol encore pour ST, le marché de la puce est dans les chaussettes en ce moment au point que Soitec aurait demandé à ses employé·es de prendre un mois de congés en plein milieu d’année. Au point que l’entreprise américaine GlobalFoundries, à qui doit théoriquement revenir 58 % de la production du nouveau site d’ST (vive la souveraineté nationale), serait en train de les lâcher.4 Côté timing de cyclicité et d’urgence de mise en exploitation on a quand même vu mieux… Fin de la parenthèse technique.

Retour au marché. Tout ce laïus, documents à l’appui, on le colle sous le nez des garant·es de la CNDP. Pourquoi il n’y a pas de projet alternatif qui sera débattu ? Pourquoi il n’y a pas une seule évocation de l’enquête publique à venir ? Bref, pourquoi il nous semble que vous ne remplissez pas votre mission ? Là, gros blanc. Zut, en effet, « il faut qu’on amende ça » nous répond-on. Ici aussi il et elles nous semblent vraiment sincères. Alors on les pousse longtemps, mais gentiment, jusqu’à leur faire dire ouvertement devant Gérondeau : « oui oui, la CNDP va tout faire pour qu’il y ait une nouvelle enquête publique ». On se tourne alors vers Gérondeau, tout penaud, qui ne sait que répondre : « il y a déjà eu une enquête publique ». Bahm. Les garant·es nous ont semblé scotché·es et comprendre sur le coup qu’il et elles ont été violemment floué·es par ST. Ça devient alors rocambolesque, une garante nous prend par le bras : « on doit parler ». À partir de là, c’est leur inquiétude qui domine : on a besoin de vos documents, des travaux de STopMicro, pour défendre toutes les positions autour du projet.

Mais on l’a déjà dit et expliqué5, STopMicro ne participera pas à ce débat pipeau. Le débat public a en fait déjà lieu, et ce depuis un an et demi. Il est porté par le collectif et la population, dans de nombreux temps de rencontres et par voie de presse6. Pas en deux pauvres heures de présentation ridicule comme ce fut le cas lors de la soirée d’ouverture de la concertation pendant laquelle ST a pris les gens de haut, usant de sa glorieuse condescendance et de ses chiffres bien choisis et volontairement incompréhensibles du grand public, mais au travers de plus d’une vingtaine de réunions publiques7 au cours desquelles nous laissons les habitant·es s’exprimer, que ce soit pour ou contre ce projet. Nous ne légitimerons pas un processus anti-démocratique qui, quoiqu’il arrive, peut être légalement balayé d’un revers de la main par la préfecture et la présidence. Balayé comme l’enquête publique à venir d’ailleurs, qu’elle ait lieu ou pas.

Face à cette situation digne d’une république bananière,
nous sollicitons tout·es les citoyen·nes à nous rejoindre dans la joie et la rigueur
pour nous opposer à l’accaparement des ressources par les industries de la microélectronique et au délire grandissant de la « vie augmentée »
les 5, 6 et 7 avril 2024.
8

No puçaran !

Le Collectif STopMicro.

stopmicro@riseup.nethttps://stopmicro38.noblogs.org/

1Les plaques de silicium gravées et nettoyées à l’eau potable par ST.

3Disponibles ici: https://colidee.com/o164p700/comprendredossier.htm (ce sont les fichiers 51.pdf et 52.pdf).

6Tout cela est disponible sur notre site : https://stopmicro38.noblogs.org/

8Le programme des journées de mobilisation: https://stopmicro38.noblogs.org/files/2024/03/programme.pdf


A lire aussi :

Nos trois textes sur la pseudo-concertation :

– Pseudo-concertation et fichage des opposants : STMicro : le vrai visage de la concertation
– Pourquoi nous boycottons la pseudo-concertation sur l’agrandissement de STMicro : Recette pour construire une méga-usine
Lettre ouverte aux garant.es de la concertation publique

Comments are closed.