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De l'eau, pas des puces !
► Eau : il n’y a pas de recyclage chez STMicroelectronics !
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Affiche sur la consommation d’eau de ST réalisée par Scientifiques en rébellion

 

Le communiqué en PDF : Eau-il-ny-a-pas-de-recyclage-chez-ST-Microelectronics-1-2

Eau : il n’y a pas de recyclage chez ST Microelectronics !

Depuis le début de la contestation contre l’accaparement de l’eau potable par STMicroelectronics sur son site de Crolles, en automne 2022, l’industriel joue sur l’argument du recyclage pour se dédouaner. Mais qu’en est-il réellement ? Et qu’est-ce que ST Microelectronics appelle « recyclage » ?

Avant toute chose, rappelons l’usage que fait l’usine de l’eau potable : 75% pour le lavage des plaquettes de silicium, 25 % pour la climatisation des salles blanches, moins de 1 % pour les sanitaires. Une grande partie des eaux souillées par ST (appelées « rejets aqueux ») sont retraitées par la station de traitement de l’usine (la STEL) puis rejetées dans l’Isère où elle ne sont plus potables mais dites de « qualité rivière ». Pour les effluents industriels concentrés, c’est-à-dire les eaux les plus concentrées en produits chimiques, ils sont stockés dans de grandes cuves par l’entreprise sous-traitante ECTRA, située aux abords du site, puis acheminés en camion vers des sites de retraitements.

Une consommation d’eau toujours plus grande : STMicroelectronics et la manipulation de la communication 

Dans sa déclaration environnementale de 2021, ST Micoelectronics affirme qu’« environ 32 % de l’eau consommée est recyclée et réutilisée en interne » et que les « besoins en eau et en énergie sont maîtrisés grâce aux programmes de réduction menés sur le site ». Parler de « maîtrise » est un mensonge dans la mesure où la consommation d’eau, d’électricité et de produits chimiques subit actuellement une augmentation phénoménale : de 11000m³ par jour en 2021[1] à 33 600 m³ par jour après l’extension[2], soit une hausse de 190 %. Si ST réduit sa consommation d’eau c’est en valeur relative, c’est-à-dire par plaquette fabriquée ; en effet, l’évolution des procédés permet à l’usine de réduire la consommation d’eau potable par plaquette de silicium. Mais la consommation globale d’eau totale, en valeur absolue, ne fait elle qu’augmenter, car le nombre de plaquettes ne cesse de croître. Pour nous, habitant·es de la vallée, il est de peu d’importance qu’ST produise plus de puces avec moins d’eau, ou moins de puces avec plus d’eau car l’eau n’est pas une valeur relative ! Ce qui nous importe c’est qu’il y ait de l’eau pour la consommation domestique, pour l’agriculture, pour la nature, pour les potagers, pour les générations futures.

La mascarade d’un recyclage qui ne rend pas l’eau potable

Qu’entend réellement ST Microelectronics par « recyclage » ? Communément, le recyclage consiste en divers étapes permettant à une ressource utilisée de retrouver son état initial. Recycler l’eau potable signifie donc, logiquement, que l’eau peut être utilisée puis, au bout du cycle de traitement, retrouver sa pureté. « 32 % de recyclage », cela supposerait donc que sur les 4,2 millions de m³ d’eau potable utilisés par an par l’usine, 1,3 millions de m³ soient « recyclés » pour être de nouveau potables à la sortie des tuyaux de ST. Pourrait-on faire boire cette eau aux ingénieurs-recycleurs de ST ? Eh bien non.

Pour le rinçage des plaques de silicium, ST refuse d’utiliser l’eau des nappes phréatiques situées en dessous de l’usine, car aucun traitement à ce jour ne peut  rendre cette eau assez pure pour le nettoyage des plaquettes (75 % des besoins). C’est donc l’eau fournie par la Régie des eaux de Grenoble qui est utilisée.

Au contact des plaques de silicium, cette eau très pure se charge de divers produits chimiques : acides fluorhydriques et sulfuriques, métaux lourds, aluminium, cuivre… Si les eaux des nappes ne peuvent pas être traitées car jugées trop impures, on a du mal à imaginer quels procédés pourraient rendre une eau imprégnée de produits chimiques de nouveau potable. 75% de l’eau utilisée par l’usine ne peut donc tout simplement pas être recyclée.

Au final, l’eau rejetée dans l’Isère après son passage dans la station de traitement est dite de « qualité rivière », c’est-à-dire conforme aux seuils de concentration établis par la Préfecture en fonction de ce que l’Isère peut absorber par jour : 75kg de phosphore, 1,5kg de cuivre, 4kg d’aluminium, 750kg d’azote, 150kg de fluorures, … Après traitement, l’eau se trouve toujours chargée en produits chimiques. On se gardera donc bien de se baigner dans l’Isère.

Les risques de l’« auto-contrôle »

Un autre écueil consisterait à faire aveuglément confiance aux chiffres du pollueur ST basés sur ses auto-contrôles. Dans le même déclaration environnementale il est indiqué que la différence entre la consommation horaire et les rejets horaires n’est que de 10 %. Dans le même temps, le service communication de ST répondait au journal Le Postillon que « Le recyclage interne au processus de fabrication d’eau ultrapure, la réutilisation de l’eau en sortie de salle blanche et la réutilisation de l’eau au sein même de la station de traitement (osmose inverse) ont permis d’atteindre un taux de recyclage de l’eau de 43% en 2022 ».

32 %, 10 %, 43 % de réutilisation, à quels chiffres se fier ? Une chose est certaine : méfions-nous des études menées par les pollueurs eux-mêmes.

Quand réutilisation rime avec surconsommation

Il n’y a, à proprement parler, pas de recyclage chez STMicroelectronics mais une « réutilisation » de l’eau, du moins d’une certaine quantité d’eau. L’eau qui sert à la climatisation des salles (soit 25% de la consommation d’eau de l’entreprise) est celle qui provient des nappes phréatiques (la climatisation ne demandant pas une eau aussi pure que celle pour les plaques de silicium), et c’est celle-ci (uniquement celle-ci) qui est réutilisée pour la même tâche. Un pourcentage bien faible par rapport à la consommation d’eau globale de l’entreprise. De plus, réutilisation de l’eau ne signifie pas absence de consommation renouvelée de cette dernière : davantage d’eau est nécessaire à la climatisation en été… c’est à dire au moment où le niveau d’eau des nappes est au plus bas.

Une réutilisation de l’eau qui se voudrait écologique devrait se faire via des moyens économes en énergie et respectueux de la nature pour retraiter les eaux souillées ; par exemple des procédés de phytoépuration ou de filtrage naturel. Or, les tonnes de produits chimiques qui viennent polluer l’eau sont impossibles à retraiter par de tels procédés. Quand bien même ils le seraient, la consommation d’énergie nécessaire au traitement serait faramineuse :  le traitement de l’eau entrante à ST pour la rendre ultra-pure est le poste le plus énergivore de l’entreprise, il en serait donc de même pour décontaminer l’eau. Procéder au recyclage revient donc, dans le contexte de cette entreprise, à remplacer une nuisance par une autre.

Les puces: un choix de société

En réalité, le problème de la consommation d’eau par les industriels révèle les choix de société concernant la production de matériel électronique et de numérisation du monde. Effectivement si la population souhaite continuer vers la fuite en avant du tout numérique, alors il faudra plus de puces et donc plus d’eau accaparée, puis souillée. Voitures autonomes, voitures électriques, trottinettes, smartbidules, satellites, armes, écrans, casques de réalité virtuelle, domotique, etc. Toute cette quincaillerie détruit les terres, les rivières et l’air, qui sont des biens communs qui n’appartiennent à personne et dont nous avons l’usufruit, en partage avec les plantes et les animaux. Si cet accaparement, cet extractivisme et cette pollution immense continuent, nous n’aurons bientôt même plus de quoi boire, manger et respirer sainement, c’est-à-dire le minimum du « vrai confort ». En France, signalons simplement l’épidémie de cancer pour attester qu’il y a perte de ce minimum vital.

Ce qu’il faut donc retenir, c’est que l’eau potable de qualité exceptionnelle qui rentre dans l’usine (qui d’après ST était de 133 litres/seconde en 2021)[3]) n’est à sa sortie plus potable pour personne, humains ou animaux.

C’est pour cela que malgré toutes les fausses promesses de recyclage, nous demanderons toujours de l’eau et pas des puces !

Le 9 mai 2023

Collectif STop Micro
https://stopmicro38.noblogsorg
stopmicro@riseup.net

[1]Déclaration environnementale de ST Microelectronics.

[2]Chiffres ST, cités par l’avis de la MRAE, février 2023. https://www.mrae.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2023apara23_icpe_indstcrolles_38.pdf

[3]Sur la déclaration 2021, la dernière publiée, 4,2 m3 d’eau a été utilisé en 2021, soit 2,133 m3/s.

 

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