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De l'eau, pas des puces !
► « Méga-bassine » de STMicro à Crolles : la guerre de l’eau fait étape en Isère le 1er avril
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La monoculture par agriculture irriguée et la mise en place de mégas infrastructures, comme la bassine de Sainte Soline malmenée le week-end dernier par plusieurs dizaines de milliers de personnes, ne sont pas les seuls enjeux attenants à la question de l’accaparement de la terre et de ses ressources à des fins industrialo-technocratico-libérales. Nous publions cette semaine un récit en provenance de la région de Grenoble, où le collectif STopMicro cherche à mettre en lumière le deux poids deux mesures à l’oeuvre dans l’Isère, où, malgré une année marquée par des sécheresses records, l’entreprise STMicroelectronics, fabricant de puces et semi-conducteurs, a été autorisée à doubler son usine, agrandissement lui permettant de consommer plus de 300 litres d’eau par seconde.

Face à un pouvoir qui joue la surenchère, façon Thatcher, et cherche à marquer les opposant·es dans leurs chairs, à criminaliser et diviser les mouvements d’oppositions en cours, le collectif STopMicro apporte son soutien à la lutte contre les méga-bassines et aux manifestant·es blessé·es le 25 mars.

On rappelle aussi que la guerre de l’eau fera étape en Isère, à Crolles le 1er avril.

Voici planté, en quelques lignes, le décor de cette lutte.

C’est en 1992 que le fabricant de puces STMicroelectronics, aujourd’hui l’un des principaux industriels européens de semi-conducteurs, s’installe à Crolles. Pas par hasard, mais parce que cette industrie a besoin d’une eau très pure qu’elle peut trouver sur le site (via un acheminement par une conduite de 40 kilomètres). Et accessoirement parce que le débit de l’Isère, à proximité, lui permet de rejeter tranquillement une eau plus du tout pure car gorgée de produits chimiques (même après retraitements).

En juillet 2022, Macron, accompagné de quatre de ses ministres (Le Maire, Retailleau, Véran et Becht) et du commissaire européen pour le marché intérieur Thierry Breton, viennent fêter l’agrandissement de l’usine. Jusque-là ce mastodonte pompait 176 litres à la seconde de cette eau potable afin de nettoyer ses plaques de silicium, mais après l’extension, ce seront 336 litres qui couleront chaque seconde, c’est à dire une méga bassine tous les 22 jours.

En août 2022, l’Isère, comme le reste de la France, crame et est placé en alerte sécheresse maximale, niveau 4. Interdiction d’arroser son jardin entre 9h et 20h. Et côté industriels ? Comme le stipule l’arrêté cadre sécheresse « Les établissements pouvant démontrer que leurs besoins en eau utilisés pour les procédés de fabrication ont été réduits au minimum sont exemptés de restriction ». Business as usual.

Au sortir de l’hiver, le déficit en neige et pluie n’a pas permis de recharger les nappes phréatiques, et déjà une vingtaine de départements français sont en alerte sécheresse. Mais un chantier qualifié de « plus gros investissement industriel depuis les centrales nucléaires »(et financé à hauteur de plus de deux milliards avec du fric public) ne saurait s’embarrasser de détails aussi triviaux. L’agrandissement se poursuit donc dans le meilleur des mondes technophiles.

Car l’agglomération Grenobloise est, de longue date, pilotée par une technocratie, mélange fusionnel entre industrie, recherche et politique. Il suffit pour s’en convaincre de lire le parcours professionnel des différents maires de Grenoble. Le dernier en date, le vert Eric Piolle peut bien trouver inadmissible le modèle paysan productiviste type FNSEA qui de Sivens à Sainte Soline encourage l’utilisation massive de flotte ; mais étrangement, lorsqu’on parle de l’arrosage à flux continu de plaquettes de silicium à vingt bornes de Grenoble, l’indignation fait place à un silence assourdissant.

Face à des décisions géostratégiques (être moins dépendant de Taiwan et produire « local ») prises comme toujours, sans aucune démocratie, depuis quelques bureaux parisiens et face à un site industriel qui a valeur d’institution locale (et nationale) de par ce qu’il produit, son poids économique, le nombre de gens qui y bossent (presque 2% de la population active), il y a plutôt unanimité chez les élu·es pour regarder ailleurs quitte à entendre voler les mouches.

Voilà pour le contexte local.

Face à cela nous cherchons à créer les conditions pour que naisse un mouvement de contestation massif de cet état de fait.
C’est pourquoi la stratégie du collectif est pour le moment d’informer un maximum de gens, de provoquer le mécontentement, et on l’espère un rapport de force à la base qui s’étende. Bref de faire connaître tout ça et d’encolérer les habitant·es de l’agglomération.

Le 01 avril, ce sera une manif déclarée. Nous passerons à proximité de l’usine et on finira sur un jardin public ou des prises de paroles, des idées pour la suite à donner au mouvement seront échangées. Il y aura aussi une cantine. On sera dans un moment bon enfant. Sans chercher un affrontement physique qui ne servirait pas, dans cette lutte précise, nos objectifs à plus long terme. Pour autant, STopMicro est solidaire des gens qui se battent, à Sainte Soline, lors des manifs contre la réforme des retraites ou ailleurs, et ce, quelque soit le mode d’action. Contre l’autoritarisme étatique et industriel, nous sommes légitimes.

L’accaparement des ressources en flotte, avec deux poids deux mesures, on en veut pas.
De l’eau pas des puces.
Mais, aussi essentielle qu’elle soit, la contestation des activités d’une usine comme STMicroelectronics ne saurait s’arrêter à sa consommation faramineuse en eau.
On ne veut pas de l’accaparement des terres agricoles hyper fertiles du Grésivaudan. Des paysan·nes, pas des puces. On ne veut pas d’usines classées Seveso (19 dans l’agglo grenobloise) qui rejettent des quantités astronomiques de produits chimiques dans les rivières et polluent les nappes. De l’eau potable, pas de l’acide fluorhydrique. On ne veut pas des babioles technologiques inutiles produites à partir de ces puces. De l’eau, pas des smartphones. On ne veut pas des drones, caméras intelligentes et autres objets nuisibles. De l’eau, pas du contrôle social. On ne veut pas des puces servant à l’industrie de guerre, comme celles retrouvées récemment sur un missile russe en Ukraine, estampillées STMicroelectronics. De l’eau, pas des objets de destructions et de pouvoir.

Article paru sur Lundi Matin (27/03/2023)

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