L’entreprise Soitec, basée à Bernin, fabrique des puces électroniques entre autres pour la dissuasion nucléaire et les voitures électriques Tesla d’Elon Musk. Notre collectif s’oppose à l’extension de cette entreprise car nous pensons qu’il vaut mieux cultiver des noyers, du blé et du tournesol que produire ces objets inutiles.
Ce mois de février 2025 est marqué par une « concertation MECDU », une étape administrative dédiée à modifier automatiquement le Plan local d’urbanisme (PLU) de la commune. Cette modification transformera 11 hectares de terres agricoles en zone urbaine industrielle. Cette « concertation » n’a de démocratique que le nom, puisqu’il s’agit d’une simple procédure administrative qui vise en réalité à empêcher les habitant.e.s de donner leur avis et de peser sur le projet.
Le maquis administratif qui cache le projet
C’est par de petites étapes administratives que se déroule le bétonnage de ces 11 hectares de terres agricoles. On se souvient que c’est la Communauté de communes Le Grésivaudan qui porte un projet d’agrandissement d’une zone d’activités économiques (ZAE) ayant pour but d’accueillir les deux prochaines usines de Soitec, déjà installée à proximité immédiate.
Ces étapes administratives créent un véritable maquis, dans lequel même celles et ceux qui, comme nous, suivent de près le dossier peinent à se retrouver : concertation préalable, concertation MECDU, enquête publique, DUP, PLU, SCoT, etc. Tout est fait pour perdre les gens afin que le projet ne rencontre pas d’obstacles.
Comme nous l’avons expliqué, pour nous la démocratie ne peut se réduire à des procédures administratives. En l’espèce, on voit même en quoi la multiplication de ces procédures sert à créer de la confusion et de la complexité.
En outre, le dossier est volontairement embrouillé, la Communauté de communes communiquant sur un projet dans lequel, alternativement, Soitec n’aurait rien à voir ou au contraire serait central. Difficile pour les citoyen.ne.s de se faire un avis quand les éléments mis à disposition ont pour but de noyer le poisson.
Une concertation pour modifier automatiquement le PLU
Après l’échec de la concertation préalable cet hiver, l’heure est maintenant à une concertation pour la mise en compatibilité des documents d’urbanisme, dite « concertation MECDU ». Du 3 février au 4 mars, le rôle de cette concertation dont « Informez-vous et exprimez-vous ! » est le slogan, est théoriquement d’éclairer l’avis de la préfecture, qui délivrera à la fin de l’année une déclaration d’utilité publique permettant :
– de transformer ces terres agricoles en zones urbaines industrielles dans le plan local d’urbanisme de la commune et dans le schéma de cohérence territoriale (ScoT).
– de lancer des procédures d’expropriation contre les propriétaires récalcitrant.e.s à vendre leurs terres.
Cette « concertation » consiste en pratique en la possibilité offerte à quiconque d’envoyer un courrier à la Préfecture, qui dans son infinie sagesse en tiendra compte (ou pas) avant d’accorder une déclaration d’utilité publique (DUP) au projet.
Pour notre part, nous pensons que ce ne sont pas par les mécanismes institutionnels (qui sont essentiellement des dispositifs d’acceptabilité) que les opposant.e.s pourront faire entendre leur voix, mais en instaurant un vrai rapport de force.
Quelques questions impertinentes
Il y a quelques années, les habitant.e.s de Bernin ont été consultés pour travailler sur le nouveau PLU de la commune. Dans le cas de Soitec, la démocratie passera au second plan, car c’est la Préfecture qui décidera seule de l’opportunité du projet. Pourtant, dans un contexte économique tendu pour l’industrie électronique et pour Soitec en particulier, est-il bien raisonnable de procéder à une modification du PLU sans vraie consultation et sans révision avec les habitant.e.s ? En outre, donner le label d’« utilité publique » à un projet dont on ne connaît pas officiellement les acteurs nous semble pour le moins étrange. À moins que les décisions ne soient prises d’avance, et que l’avis des habitant.e.s n’ait aucune importance. Ce que le comportement de M. Clappaz, vice-président à l’économie et au foncier à la Communauté de communes lors de la concertation préalable semblait suggérer.
Protéger les terres agricoles, ou les bétonner ?
On apprend pourtant dans le dossier de concertation que la priorité, pour les terres concernées sont :
– Orientation 2.1 : Préserver les espaces agricoles pour pérenniser l’activité agricole ;
– Orientation 2.2 : Protéger et valoriser les espaces naturels remarquables ;
– Orientation 3.3 : Contenir l’enveloppe urbanisable : « […] les espaces à vocation artisanale et industrielle ne seront pas étendus au-delà de leur périmètre actuel ».
Des orientations probablement votées par les élu.e.s la main sur le cœur.
Sans oublier les orientations du SCoT en vigueur, un autre document d’urbanisme, qui sera lui aussi modifié automatiquement par la DUP : « Ils [ces terrains] se situent sur l’une des principales zones à enjeux agricoles de la grande région de Grenoble (carte des principales zones à enjeux agricoles, DOO page 109), en raison de la forte pression urbaine sur la plaine agricole de l’Isère ».
Alors, ne serait-il pas plus raisonnable de laisser ces terres agricoles être cultivées par des agriculteurs de la commune ou de Crolles, plutôt que vouloir à toute force les bétonner pour essayer d’y produire de la high-tech au service de la 6G, de l’intelligence artificielle et des voitures autonomes ?
Pour amplifier le rapport de force, nous organisons avec les Soulèvements de la terre les 28, 29 et 30 mars un grand week-end de mobilisation, dont une grande manifestation à Bernin le 30 mars à 14h.
Collectif STopMicro, 13 février 2025