Dans le Grésivaudan, tandis qu’on rejette les gens du voyage on accueille à bras ouverts les multinationales de l’électronique. Une injustice qui s’incarne au quotidien dans les décisions des pouvoirs publics.
Mercredi 22 octobre, Le Dauphiné Libéré relate « le bras de fer lancé avec l’Etat » par la Communauté de Communes Le Grésivaudan (CCLG) avec les services de l’État sur l’accueil des gens du voyages.
C’est un dossier qui crispe les élus depuis plusieurs mois. Le projet de nouveau schéma départemental d’accueil des gens du voyage impose au Grésivaudan de créer une aire de grand passage de 150 place à Crolles sur trois hectares. Problème : une aire existe déjà dans la commune, le long de l’autoroute, avec une capacité de 50 places. Son extension, comme sa relocalisation ailleurs à Crolles, paraît impossible aux yeux des élus. « Il faudrait déboiser une zone humide, construire en zone inondable ou sur des terres agricoles », ont-ils rappelé lors du dernier conseil communautaire.
Tatiana Winterstein, déléguée de l’Association nationale des gens du voyage citoyens commente ces difficultés :
On est considérés comme des citoyens de seconde zone.
Comme on va le voir, le Grésivaudan accueille aussi des citoyens de première zone, qui bénéficient d’un accueil bien plus ouvert de la part des autorités et pour lesquels ce qui paraît « impossible » pour d’autres semble tout à fait possible.
On sait la mansuétude dont les industriels de l’électronique bénéficient de la part des pouvoirs publics dans le Grésivaudan. Qu’il s’agisse de subventions à hauteur de milliards d’euros ou d’autorisations de rejets de polluants dans l’Isère, les institutions sont prêtes à se plier en quatre pour Soitec et STMicroelectronics. C’est vrai également au niveau de l’urbanisme. En effet, pour bâtir des sites de cette ampleur les entreprises peuvent compter sur le soutien des communes concernées, qui gèrent la compétence urbanisme (Crolles et Bernin) et de la CCLG, détentrice de la compétence économique.
Modifier le PLU pour complaire aux industriels
Les plans locaux d’urbanisme (PLU) sont taillés sur mesure pour les industriels. Cette année, par exemple, la commune de Crolles a modifié son PLU pour autoriser sur une parcelle face à STMicroelectronics des constructions de 50 mètres de hauteur (l’équivalent d’un immeuble de 17 étages), anticipant les besoins futurs de ST.

(simulation d’une tour de 50m de hauteur sur la parcelle concernée, en face de ST)
Balayer les procédures démocratiques
Autre exemple : l’agrandissement de la zone d’activités économiques (ZAE) de Bernin dédiée aux entreprises de la filière microélectronique. Ce projet, porté pat la CCLG, vise à artificialiser 10 hectares de terres agricoles pour permettre à Soitec et/ou à ses sous-traitants de s’agrandir. Problème : le projet ne respecte pas le PLU, car il est impossible de construire des usines sur des parcelles agricoles. Qu’à cela ne tienne : il est tout simplement prévu de modifier le PLU pour l’adapter aux demandes des industriels. Cerise sur le gâteau : cette modification de PLU ne suivra pas les voies normales, mais une procédure dérogatoire à base d’un simple arrêté préfectoral précédé d’une « concertation » bidon. Précisons que l’agrandissement de cette ZAE, couplé aux autres extensions de ST et Ectra à Crolles, rend indispensable la canalisation du ruisseau torrentiel le Craponoz et, afin d’éviter les inondations, le déboisement d’une parcelle.
Couvrir les industriels qui s’agrandissent illégalement sur une zone humide
Troisième exemple de la flexibilité des autorités aux industriels en matière d’urbanisme : nous révélions le mois dernier que Soitec a artificialisé illégalement 5000 m² de zone humide pour aménager un parking, sans déclaration de travaux et sans respecter le PLU. Cet aménagement, datant de plusieurs années, est en infraction sur plusieurs points : 1/il n’a jamais bénéficié de demande d’autorisation de travaux, 2/il est situé sur une parcelle agricole, ce qui n’autorise pas l’aménagement de parkings, 3/il est situé en outre sur une zone humide. Pourtant, cet améngament sauvage n’a jusqu’à maintenant pas déclenché de procédure municipale, alors que la commune est en charge du respect des procédures d’urbanisme. Pour préserver les intérêts des industriels, la commune est prête à se mettre hors la loi.
(photo de la parcelle en octobre 2025)
Une politique à deux vitesses
Pourtant, quand il est question de respecter le cadre légal pour l’accueil des gens du voyage, les élus semblent d’un coup bien tatillons sur l’usage du foncier.
On le voit, en fonction des circonstance, la construction sur des parcelles agricoles, l’artificialisation de zones humides, le déboisement de parcelles boisées sera considéré comme « impossible » ou, au contraire, tout à fait souhaitable.
En 1980, Max Pécas réalisait le film Mieux vaut être riche et bien portant que fauché et mal foutu. En 2025, dans le Grésivaudan, on peut dire qu’il vaut mieux être riche et industriel dans les semi-conducteur que fauché et membre de la communauté des gens du voyage.
C’est contre une société qui reproduit de telles injustices que nous nous battons.
No puçaran !
STopMicro, 24 octobre 2025


