Les magouilles de la Communauté de Communes pour livrer les terres du Grésivaudan aux industries de l’électronique
Tract (ici en pdf) distribué lors du Conseil Communautaire de la Communauté de Communes le Grésivaudan du 29 Septembre 2025. Voir notre article qui raconte l’événement.
Les vergers ont disparu pour laisser place à une monoculture de puces électroniques. La commune a été envahie de bretelles d’autoroutes, d’usines gigantesques et de hangars commerciaux. Les clôtures lumineuses ont effacé les étoiles, les produits toxiques et les gadgets connectés prolifèrent. Ces dégradations ne se sont pas réalisées toutes seules. Voilà quelques années que la Communauté de Commune le Grésivaudan (CCLG) se fait la plus fervente alliée de l’expansion industrielle locale, peu importe son coût : qu’il soit en euros, en terres bétonnées ou en pollutions.
Cependant, la CCLG n’aiment pas qu’on dénonce la bétonisation qu’elle nous impose. Agacé des critiques touchant à sa gestion foncière, Jean-François Clappaz, en charge du développement industriel et de la stratégie foncière à la CCLG, se défendait : « Le Grésivaudan n’est pas un territoire d’affreux bétonneurs », écrivait-il au Dauphiné Libéré le 4 Juillet 2025. C’est un affreux mensonge et nous entendons le montrer.
Préparer les terrains, devancer les extensions
Aujourd’hui, c’est pour préparer l’extension de l’usine Soitec que la ComCom organise la destruction de dix hectares de terres cultivées à Bernin. En 2022, Soitec a déclaré vouloir encore s’agrandir pour augmenter sa production de substrats de silicium destinés à alimenter les gadgets électroniques qui prolifèrent partout : voitures connectées, smartphones, bombes … Pour la ComCom, le bienfondé de cette ambition ne se questionne pas, et elle s’est directement exécutée pour porter à leur place l’extension de la Zone d’Activités Économiques (ZAE) du Parc des Fontaines, sur laquelle est située l’usine. Elle a confié la réalisation du projet à l’entreprise Isère Aménagement, et a commencé à procéder aux démarches nécessaires pour rendre les terres bétonnables. En 2024, Soitec a officiellement suspendu son projet d’agrandissement. Cela n’a pas fait reculer la CCLG, qui maintient fermement son intention de bétonner ces terres (1). Après avoir organisé une enquête publique largement désertée, il lui restera à exproprier les agriculteurs et à viabiliser les terrains pour enfin les vendre à Soitec. Vous trouvez indigne le zèle servile auquel s’adonne la CCLG pour répondre à la voracité foncière des industries ? C’est pourtant sa spécialité. Dans cette région où le foncier est en tension, la CCLG a l’habitude de préempter les terrains pour les extensions futures de ses usines favorites. Elle en a déjà vendu à l’usine crolloise STMicroelectronics (ST) pour son extension actuelle, mais ça ne suffit toujours pas : elle en a acquis d’autres en octobre 2022, et assume son ambition : « afin de faciliter les projets économiques en cours, et en particulier le développement de la société STMicroelectronics, il convient de procéder à l’acquisition de foncier économique » (2).
Passe-droits et service premium
Il n’y a pas que pour le foncier que la ComCom se met au service des industriels. Pour fabriquer leurs puces, ST et Soitec consomment des quantités astronomiques d’eau potable et ont toujours plus soif. Ils achètent leur eau à la CCLG qui l’achète au réseau de Grenoble. Sur leur demande et en prévision des agrandissements à venir, la CCLG a financé entre 2022 et 2023 l’agrandissement des canalisations qui alimentent Crolles et Bernin : 10 millions d’euros (3). Un investissement d’autant plus à perte qu’avec les retards pris par les extensions, les usines leur achètent moins d’eau que prévu. Tandis que les profits restent privés, la CCLG décide de socialiser les risques. La dévotion de la CCLG n’est qu’une manifestation parmi d’autres de la soumission de tous les pouvoirs publics aux exigences des industries de la microélecronique. Leurs extensions auraient du être contraintes par la loi Zéro Artificialisation Nette ? L’État les en exonère. ST juge contraignant de rester en dessous des seuils de rejets de certains polluants (azote, cuivre …) après son extension ? Le préfet ré-élève ces seuils sous l’autorité de la DREAL (4). Etc. Cet assistanat aux entreprises de l’électronique se retrouve aussi sous forme de cash. En plus des divers plans Nanos qui font ruisseler chaque année des millions d’euros jusqu’à elles, ST a reçu 2,9 milliards d’argent de l’État pour financer son extension.
Le béton appelle le béton
Quand quelque chose grandit dans cet « écosystème » fait de canalisations métalliques et de camions poids lourds, de produits toxiques en symbiose avec des machines high-tech graissées au jus de cerveau, il faut que tout le reste grandisse pour suivre la cadence. À Crolles et Bernin, de nombreuses entreprises fournissent ST et Soitec et projettent déjà de s’étendre. FluidInox, qui fabrique des tuyauteries, a déjà acheté à la ComCom des terrains pour s’agrandir. UnitySC, qui fait des équipements d’inspection pour l’industrie de l’électronique, construit une nouvelle usine en ce moment à St-Ismier. ECTRA, qui entrepose les produits toxiques de ST et Soitec, a augmenté ses capacités de stockage pour suivre les extensions de ces dernières, et est passé Seveso Seuil Haut. Son directeur, Serge Pommelet est aussi conseiller communautaire. Conflit d’intérêt ? C’est plutôt le signe d’une collusion structurelle : leurs intérêts sont les mêmes. Comme le disait le premier adjoint au maire de Crolles François Brottes : « Ici, les élus ont été vaccinés à la high-tech. Cela permet d’avancer plus vite et d’éviter de se poser des questions métaphysiques ». Le dynamisme technologique exige qu’on adapte le territoire à ses contraintes. Les différentes extensions prévoient d’intensifier les flux de déchets, de marchandises et de travailleurs dans le coin. « Le développement des industriels nous impose de résoudre les problèmes d’alimentation en eau, mais aussi de logement, d’alimentation et de mobilité », nous dit François Bernigaud, un autre élu. Une tâche que la CCLG exécute avec autant de dynamisme ! Après avoir financé à plus de 5 millions d’euros la construction d’une bretelle d’autoroute à St-Ismier en 2019, elle s’attaque en ce moment à la construction d’une nouvelle voie de transports en commun sur l’A41 pour desservir Crolles et Bernin, ainsi qu’au projet de nouveau RER urbain. Elle finance ainsi à 30% les 26 millions d’euros investis pour agrandir la gare de Brignoud. Tous ces travaux sont motivés par l’intensification prévue des activités industrielles. Le fait que STMicroelectronics organise aujourd’hui un plan de licenciement, après sa promesse de recruter un millier de nouvelles personnes, ne semble pas semer le doute à la CCLG. Elle continue à préparer le terrain, pour plus tard, pour d’autres : pourvu qu’il s’agisse de béton prêt à l’emploi pour produire des puces.
On ne va pas les laisser bétonner notre avenir ?!
Voulons-nous continuer à voir le Grésivaudan transformé en Silicon Valley française ? À être envahi-es de gadgets connectés ? Que nous soyons riverain-es des usines ou simples habitant-es de ce monde qui se dégrade et se numérise, ces choix nous appartiennent à toutes et à tous. Les transformations que nous subissons ne sont pas inéluctables, elles sont le fruit de projets politiques, portés ici-même. Lors de ce Conseil Communautaire du 29 Septembre 2025, la CCLG délibérera sur le contrat de cession d’aménagement de l’extension de la Zone d’Activité Économique qui doit accueillir Soitec. Si c’est ici que s’organise le projet de dégrader nos conditions d’existence, c’est ici que nous devons nous y opposer.
Collectif STopMicro, 29 Septembre 2025
(1) Les informations complètes dans notre article : Contre l’agrandissement de Soitec. https://stopmicro38.noblogs.org/post/2024/11/23/contre-lagrandissement-de-soitec-et-de-la-zae/
(2) Délibération du conseil communautaire du 17 octobre 2022, 18DEL-2022-0327.
(3) 1,7 pour les travaux de renforcement (DEL–2021-0334), le reste pour les travaux de remplacement des canalisations.
(4) Voir notre article: ST écocidaire, préfecture complice. https://stopmicro38.noblogs.org/post/2023/12/15/st-ecocidaire-prefecture-complice/


