L’entreprise de puces électroniques Soitec veut agrandir son site de Bernin (Isère). Ce projet, qui menace d’expropriation plusieurs agriculteurs et agricultrices de la commune, est mené en partenariat avec la Communauté de communes Le Grésivaudan et Isère Aménagement. Si, en mars 2024, Soitec a annoncé la suspension de son projet, la Comcom poursuit sa volonté de bétonnage. Nous nous opposons à cet agrandissement et vous proposons de nous rejoindre pour le mettre en échec. Rendez-vous le 10 novembre! (version 2 du texte diffusé depuis le 18 août)
Leur projet : bétonner 11 hectares de terres agricoles
Le 16 décembre 2022, la Communauté de communes Le Grésivaudan a approuvé un projet d’extension de la zone d’activités économiques (ZAE) des Fontaines à Bernin. Ce projet de 11,2 hectares est destiné principalement (8 hectares) à l’agrandissement de Soitec. Son coût est de 8 à 10 millions d’euros hors taxes. Pour les unités de production de Soitec, aux dernières nouvelles l’investissement total envisagé est de plus de 600 millions avec la construction de deux usines (Bernin 5 et 6) en deux phases successives d’ici cinq à dix ans. Les terrains impactés sont des terres agricoles utilisées majoritairement à l’heure actuelle pour produire des céréales et appartenant à différents propriétaires privés.
Du 30 septembre au 11 novembre, une concertation a lieu pour « valider démocratiquement » le projet. Mais quel projet au juste ? L’an dernier, il était officiel que la concertation serait portée conjointement par la Communauté de communes et par Soitec. Depuis, Soitec s’est retirée, en annonçant la suspension de ses projets d’extension. Mais la Communauté de communes poursuit, elle, ses projets d’extension de la ZAE (travaux prévus en 2026). Nous réclamons l’abandon du projet d’extension de la ZAE, qui se cache à peine d’être celle de Soitec (elle est destinée à accueillir «des implantations et/ou extensions d’entreprises issues de la filière nanotechnologie, semi-conducteurs »). Cela signifierait-il que la Comcom travaille en douce pour Soitec, qui reviendra dans le projet après que les embûches démocratiques auront été franchies ?
Soitec : des puces pour les gadgets électroniques… et pour la guerre
Que fabrique-t-on à Soitec ? Des semi-conducteurs spécifiques, basés sur la technologie SOI, à destination principalement des smartphones et des voitures électriques. L’activité de l’entreprise repose sur la communication mobile (64 % du chiffre d’affaires), l’automobile & l’industrie (19 %) et les objets intelligents (17 %). Les deux usines en projet ont vocation à produire des plaquettes de FD-SOI pour l’une et des plaquettes de piezoélectrique sur isolant pour smartphones pour l’autre.
Mais avons-nous besoin de produire toujours plus de voitures, de smartphones et de gadgets connectés ? Nous pensons qu’il ne s’agit pas d’un besoin, mais d’une fuite en avant portée par les géants de l’économie. Le « marché des semi-conducteurs » ne répond pas aux besoins de la population, mais à celui de la croissance économique : il double de taille tous les six ans. Mais sommes-nous deux fois plus heureux qu’il y a six ans ?
Comme l’indique la page Wikipedia de l’entreprise, Soitec fabrique également des composants pour la bombe atomique. Rien d’étonnant : la technologie SOI a en effet été développée à partir de 1974 par le CEA-Leti et la Direction des applications militaires du CEA pour répondre aux besoins de défense, en particulier de dissuasion nucléaire.
Par la suite, en 1992, le CEA créé Soitec pour développer les usages industriels de cette technologie. Et aujourd’hui encore, l’entreprise continue de travailler pour les militaires : ainsi, par exemple, en 2016 un rapport parlementaire affirmait que la capacité de dissuasion nucléaire française serait affectée « si STMicroelectronics ou Soitec arrêtaient leur activité défense ». Est-ce pour cette raison qu’en 2015 l’État était intervenu pour sauver l’entreprise au bord de la faillite après ses investissements ratés dans le solaire depuis 2008 ?
Une entreprise qui se croit au-dessus des lois
Aujourd’hui tout va bien pour Soitec. Les soucis de 2015 sont loin : elle a réalisé un chiffre d’affaire de 1,1 milliard d’euros en 2022-2023 et ambitionne d’atteindre les 2,1 milliards d’ici 2026-2027. Rappelons que c’est bien l’objectif de l’entreprise : son but n’est pas de créer de l’emploi ou de répondre à un besoin social, mais avant tout… de gagner de l’argent ! Et pour cela, tous les moyens sont bons : consommer « près de 1,2 millions de mètres cubes d’eau [potable] par an »), exploiter ses salarié-es sans leur laisser de pause pour aller aux toilettes ou bétonner de nombreux hectares de terres pourtant fertiles et riches en biodiversité.
En effet, installée à Bernin depuis 1998, l’entreprise n’a eu de cesse de s’étendre. Le nouveau projet d’agrandissement contrevient d’ailleurs aux dispositions ZAN (zéro artificialisation nette) de la loi « Climat et résilience » de 2021, qui limite l’artificialisation des sols. Aucun problème pour l’entreprise : en 2024, le gouvernement Macron a travaillé sur un arrêté exonérant 464 projets (usines, mines, prisons, TGV…) de respecter la loi ZAN. Ils pourront bétonner sans souci. Or… le projet d’agrandissement de Soitec fait partie de ces projets. Nous ne sommes pas tous égaux devant la loi : quand elle dérange les puissants ils la modifient. Pratique !
Nous nous battons contre les industriels, pas contre les salariés
Nous qui nous opposons à ce projet, nous savons bien que l’entreprise compte 1600 salarié-e-s à Bernin. Sans doute avez-vous de la famille ou des ami-es qui y travaillent, ou bien êtes-vous vous-même salarié-e de Soitec. Mais doit-on accepter n’importe quoi au nom de l’emploi ? Il faut bien gagner sa vie, mais cette société dirigée par la course au profit ne favorise pas les emplois utiles, simplement les jobs rentables. Nous passons tous et toutes une large partie de notre temps à travailler, mais bien souvent nous faisons des choses absurdes. Les patrons nous font fabriquer des objets inutiles et nous les vendent ensuite : nous sommes exploités deux fois, comme producteurs et comme consommateurs. Championnes à ce jeu, les entreprises de la Tech reçoivent en plus des milliards d’euros d’argent public. Non parce qu’elles seraient utiles à l’humanité, mais plutôt en raison de leur importance militaire ou parce qu’elles correspondent au mythe du Progrès sans limite. Nous pensons que cet argent serait mieux investi dans des hôpitaux, des installations agricoles, des services publics humains et de proximité, que dans des usines où toute l’intelligence humaine est mise au service de la gadgeterie électronique. Contre l’intelligence « artificielle », nous en appelons à remettre les pieds sur terre et à arrêter les productions écocides.
En bref : même si vous vous travaillez à Soitec, vous avez le droit de vous opposer à l’agrandissement de l’usine. Les intérêts des patrons ne sont pas souvent ceux des salarié-e-s !
Contre la loi du profit et le tout-technologique : empêcher l’agrandissement
Si Soitec est une entreprise puissante, disposant d’appuis hauts placés, son projet d’agrandissement est loin d’être ficelé, et il est possible de s’y opposer. Ainsi, à l’heure actuelle, le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune n’est pas en compatibilité avec le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) : la commune doit donc organiser une enquête publique. En outre, Isère Aménagement a commencé les études préliminaires aux travaux, mais la structure n’est pas encore propriétaire des terres : elle doit donc en faire l’acquisition, viabiliser les lots… Suivra une demande de permis de construire pour les bâtiments. Suite à quoi, les services de l’Etat devront mener une enquête publique pour la mise en service des nouveaux bâtiments. Et alors, alors seulement, l’usine pourra entrer en service.
Que vous soyez riverain-e ou bien salarié-e, propriétaire de terres impactées, ou bien si tout simplement les arguments que nous défendons ici vous touchent : rejoignez-nous ! Si vous travaillez à la mairie, à la CCLG, à Isère Aménagement : nous avons aussi besoin de vous pour mettre en échec l’agrandissement de Soitec. Nous avons besoin d’informations, d’énergie, d’idées et de bonnes volontés. Pour faire circuler l’information ; pour mettre du sable dans l’engrenage bien huilé de la destruction ; pour lancer des recours juridiques ; pour empêcher les bulldozers d’entrer en action. Quel que soit votre mode d’action, que vous souhaitiez vous mette en avant ou rester anonyme, contactez-nous, demandez-nous des tracts, faites-en des copies. Nous vous invitons à un après-midi d’information le 10 novembre à partir de 14h : ne restez pas seul-e !
Collectif STopMicro, 26 septembre 2024
(version 2 du tract diffusé depuis le 18 août 2024)
https://stopmicro38.noblogs.org – stopmicro@riseup.net
PS : Lisez notre enquête approfondie sur l’utilisation des puces de Soitec : la brochure « Soitec : un siècle de progrès sans merci ».