Quand EELV soutient la « mégabassine » de STMicroelectronics
C’était une belle manifestation, ce 1er avril.
Mille personnes réunies sous le mot d’ordre « De l’eau, pas des puces » (et sous la pluie, ironie du sort…)
Un trajet inédit : de la petite gare de Brignoud jusqu’à l’espace Paul Jargot de Crolles, en passant devant le site de STMicroelectronics.
Un sujet grandement d’actualité, avec les sécheresses, les restrictions d’eau et ces sites industriels (ST et Soitec) qui consomment déjà 16 800 m3 d’eau potable par jour, beaucoup plus dans quelques années.
On était quelques jours avant Pâques, mais on n’a pas cherché les œufs, plutôt les militant·es écologistes d’EELV dans cette mobilisation de « défense de l’eau ». Eh bien figurez-vous qu’on en pas trouvé. Et qu’en fouillant l’Internet et les réseaux sociaux des unes et des autres, on n’a trouvé aucune réaction à cette mobilisation inédite. Ni du maire Piolle, ni du sénateur Gontard, ni des députés Iordanoff ou Chatelain, ni des autres adjoint·es ou conseiller·es municipaux·les. Rien du tout.
Peut-on critiquer le plus gros employeur local quand on est élu ?
Crolles, à 20 kilomètres de Grenoble, c’est le siège d’un des plus gros employeurs régional, STMicroelectronics, particulièrement ciblé par la manifestation. Grenoble, à 20 kilomètre de Crolles, c’est la « première grande ville de province dirigée par les écologistes », en la personne d’Eric Piolle.
Le député de la circonscription de ST est Jérémie Iordanoff, étiqueté lui aussi à EELV.
En fait, Grenoble et Crolles, c’est le même territoire : l’eau consommée par ST est vendue par la Régie des Eaux de Grenoble. ST est issu d’une start-up du CEA, la structure de recherche publique basée à Grenoble.
Si on n’a pas retrouvé dans la manifestation les élu·es, les militant·es de base ou les drapeaux d’EELV ; ce n’est pourtant pas faute de les avoir tracté lors des manifs retraites. Notamment le « fameux délinquant solidaire », Eric Piolle, « Maire écologiste de Grenoble –@EELV & #NUPES – Radical et pragmatique – Ingénieur » selon sa présentation Twitter, aux abonnés absents samedi dernier et dont le silence en dit long. Sur un territoire dirigé par les écologistes, la surconsommation des ressources ne les fait pas réagir.
Y’en a pas un sur cent et pourtant ils existent
L’avant-veille encore, jeudi 30 mars on a pourtant vu plusieurs élu·es et drapeaux au rassemblement contre les violences de Sainte-Soline. Ce même week-end, le maire de Grenoble était pourtant sensible au problème de l’eau, puisqu’il signait la tribune « Nous sommes les Soulèvements de la Terre » (tout comme la députée et conseillère municipale Nupes Elisa Martin)
Mais qu’est-ce qui explique cette absence de réaction ?
Nous avons eu droit à quelques explications gênées. Des élu·es découvrant la veille l’existence de cette manifestation, donc « trop tard » pour s’organiser et venir. Une autre manif « pour les femmes iraniennes » en simultané. On est à deux doigt de l’explication qui sent méga-faux « J’avais méga-piscine ».
Écologie ou électorat : ils et elles ont choisi
En réalité, l’explication est plus simple. Quelques mois plus tôt, Eric Piolle se réjouissait de l’annonce de l’agrandissement de l’usine de STMicroelectronics. Le Monde (12/07/2022) racontait : « Dans l’assistance, le maire écologiste de Grenoble, Eric Piolle, opine de la tête. Prêt à laisser de côté, l’espace d’un instant, ses divergences avec le chef de l’Etat, l’élu […] trouve même cette annonce “réjouissante” ». C’est que ST pourvoit près de 7 000 emplois sur le bassin grenoblois. En tant que maire de Grenoble, l’élu a-t-il été gêné de contester la toute-puissance des industriels à cause de la prétendue « défense de l’emploi » ? Mais quand ces emplois coûtent 2,3 millions d’euros par emploi (Macron a annoncé cet été 2,3 milliards d’euros d’argent public pour 1000 emplois créés), n’y aurait-il pas des emplois plus pertinents écologiquement à soutenir ? Pourquoi la « réindustrialisation » ne concerne que l’industrie high-tech énergivore et artificialisant le monde plutôt que des productions réellement utiles ?
Plus profondément, l’ancien ingénieur d’HP Éric Piolle, comme nombre d’autres élu·es de la ville, a été élu par les cadres et les ingénieur·es de la cuvette. Par celles et ceux qui bossent aux CEA-Leti et à STMicro. On ne trahit pas un électorat comme ça. EELV est le parti de la classe des ingénieur·es.
L’écologie à la grenobloise se nourrit de puces
N’y aurait-il pas aussi un lien avec le modèle de « transition écologique » auquel semble souscrire la mairie de Grenoble ? Depuis neuf ans, la « transition » vendue par ses élu·es semble très compatible avec la numérisation générale. Des bibliothèques de quartier ont fermé pendant que la « Numothèque », la bibliothèque numérique, se développait. Dans celles qui restent, tous les documents sont maintenant équipés de puces RFID. L’ancien responsable des transports métropolitains, l’élu vert Yann Mongaburu se félicitait il y a quelques années du « temps d’avance » pris à Grenoble avec le paiement sans contact, le paiement par smartphone, et autres « innovations technologiques » installées d’abord dans la cuvette. Pour contrôler la future ZFE, les élu·es EELV de Grenoble militent pour le développement de la vidéo-verbalisation automatisée.
On pourrait multiplier les exemples pour illustrer ce constat : EELV, comme tous les autres partis, croit que les solutions aux problèmes environnementaux auxquels on se heurte aujourd’hui sont à trouver dans le progrès et l’innovation technologique.
Alors qu’on le rappelle, la fantasmée dématérialisation que nous vend le numérique est un leurre. Il en faut des minerais, des terres rares, de l’eau, de l’énergie et de la main d’œuvre exploitée dans les mines de cobalt du Congo pour créer des ordinateurs et des tablettes. Il en faut des gigawattheures pour faire fonctionner tous les data centers, collecter nos données et nous forcer à souscrire à cette marche forcée vers le tout numérique.
En cédant aux sirènes du solutionnisme technologique, EELV défend une écologie inoffensive et à côté de la plaque. Si les méga-bassines agricoles sont à combattre, comment rester silencieux face à l’accaparement de l’eau pour des productions aussi contestables que les voitures autonomes, les satellites d’Elon Musk, les objets connectés intrusifs, les mouchards électroniques ou les armes de guerre ? En mars dernier, l’Obsarm (observatoire des armements) révélait que des puces de STMicro avaient été retrouvées sur des drones russes en Ukraine : sur ce point-là non plus, aucune réaction des élus EELV.
Nous, collectif STopMicro, ne voulons de ces productions ni ici ni ailleurs. Nous sommes pour l’arrêt de la fuite en avant technologique et pour un bon usage de l’eau. No puçaran !
Contact : stopmicro@riseup.net
Blog : stopmicro38.noblogs.org